ATOS ne doit pas devenir un cas d’école de plus de l’impensé stratégique du pouvoir politique.

La société Atos est une société française dont les activités s’exercent dans les domaines de l’infogérance, de la gestion des systèmes informatiques des entreprises, de la transformation digitale (intégration des systèmes informatiques via le cloud, décarbonation, intelligence artificielle), de la cybersécurité, de la gestion de serveurs haute performance et enfin du calcul intensif.

En d’autres termes, cette société traite de la maintenance du parc informatique, de la surveillance et de la sécurisation de tous les systèmes et réseaux de ses clients en infogérance. Autant de services d’une grande sensibilité. Quant à ses activités de calcul intensif, elles lui permettent de construire des supercalculateurs qui sont utilisés pour, entre autres, simuler le vieillissement des pièces de centrales nucléaires. Dans une période dans laquelle, il est question d’allonger la durée d’utilisation de ces centrales, cette activité qui était déjà stratégique est devenue vitale. Par ailleurs, tous conviennent que les besoins en capacité de calcul vont grandissant et que l’intelligence artificielle fort gourmande est une technologie de rupture et qu’en France, nous sommes déjà en retard.

Ses autres activités sont de compréhension immédiate. Ainsi cette société a le profil d’une société en plein déploiement sur des sujets en forte expansion. Son chiffre d’affaires devrait exploser ! La réalité en est tout autre : cette société a vu sa valeur boursière perdre 90% en 5 ans et son conseil d’administration porte un projet de scission de ses activités et de vente.

En effet, si l’opinion publique a été informée de ces projets de scission et de vente depuis la rentrée ; ceux-ci existent depuis juin 2022 (voir communiqué)

Depuis le 1er août Daniel Kretinsky a offert de racheter la partie conseil et infogérance d’Atos regroupées dans la société Tech Foundations -ce qui a été accepté par la société-. Il est alors présenté comme le sauveur de cette société face à la chute vertigineuse de sa cotation boursière. 

Pour autant, il n’est pas sérieux de réduire l’avenir d’Atos à sa seule valeur financière. Nous l’avons vu : ses activités sont stratégiques pour beaucoup et vitales pour certaines et toutes demandent un niveau de confidentialité très élevé voire maximal. A tel point que dès début 2022 « l’Institut des hautes études de défense nationale, dirigé par le général Benoit Durieux, faisait part des inquiétudes des militaires au ministre Sébastien Lecornu. » (voir article) Il était question « [de]savoir-faire quasi-unique dans la simulation numérique des essais nucléaires qui en fait effectivement une source stratégique de la souveraineté française et européenne. » (idem)

Pour autant le gouvernement et le président de la République n’ont répondu à aucune de ces inquiétudes. L’affaire est devenue publique, un peu avant la rentrée. Des sénateurs du parti Les républicains publièrent une tribune « Cessons de vendre nos fleurons les plus stratégiques à des puissances étrangères ». Le ton était donné. D’autres partis et parlementaires se saisiront de cette affaire qui est une atteinte majeure à la souveraineté de notre pays. Certains interpelleront le gouvernement par des questions écrites, d’autres par des questions d’actualité au gouvernement , une proposition de loi porte la nationalisation temporaire de l’entreprise à but de sauvegarde stratégique etc.

A ce stade, par la voix du Ministre des finances, « Le gouvernement ne compte ni nationaliser Atos, ni prendre une participation » et réduit le champ d’action envisagé par le gouvernement aux supercalculateurs, ce qui est un peu court et ne prend pas en considération les risques consécutifs à la prise de contrôle des activités d’infogérance par un acteur étranger.

Face à ce manque de longueur de vue, un consortium, version industrielle du collectif, s’est constitué et nous a contacté le 7 décembre. Nous en avons rencontré le porte-parole.  Il déclare « exprimer son inquiétude face à la cession imminente des activités sensibles d’Atos à un acteur étranger via un montage aussi opaque que dangereux ». Selon lui, « Il s’agit d’un cheval de Troie, une intrusion étrangère dans des domaines stratégiques essentiels pour notre nation » et il appelle « le Président de la République à se rappeler les principes pour lesquels il a été élu et à agir en conséquence en écoutant les alertes de ses propres services de renseignement ».

Si nous partageons le diagnostic et une partie des recommandations, nous devons aller plus loin et demander une mobilisation générale de notre population pour défendre les intérêts stratégiques de notre pays qui sont les leurs aussi.

Retrouvez le communiqué intégral du consortium (lien).

L’équipe de l’EPGE.