Les limites de Greenpeace contre le nucléaire 

Par Paul Margaron (ancien SIE 26 de l’EGE)

Alors que les Français voient leur facture d’électricité exploser et que l’Assemblée nationale entame l’examen d’un projet de loi pour relancer le nucléaire, Greenpeace poursuit son entreprise de déstabilisation avec la publication d’un rapport intitulé : « Le nucléaire français sous emprise russe »[i].

Ce rapport est intéressant puisqu’il témoigne de l’impasse informationnelle dans laquelle Greenpeace se retrouve aujourd’hui. Le narratif de Greenpeace s’est en effet montré incapable de survivre à l’épreuve des faits tant la guerre en Ukraine a montré l’importance cruciale d’une énergie souveraine, abordable et bas carbone.

Plus encore, les arguments fétiches de l’ONG sont pourfendus par la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France[ii].

Sans revenir sur l’ensemble de ces arguments, les auditions menées dans le cadre de cette commission ont notamment montré que tous les arguments relatifs à la gestion des déchets résultaient de décisions (regrettables) d’arrêter des projets tels qu’Astrid[iii] et Superphénix[iv].

En dépit de ces faits, l’ONG refuse de s’avouer vaincue et poursuit sa croisade contre le nucléaire grâce à un nouveau narratif.

Le dogmatisme de la lutte et l’impasse informationnelle

Face à cette impasse, la stratégie de Greenpeace évolue et s’adapte. L’ONG joue maintenant sur la (relative) dépendance de la France à la Russie dans le domaine du nucléaire pour la stigmatiser et la désigner comme une alliée de Poutine. Cette stratégie de stigmatisation permet alors de créer la mauvaise conscience en faisant de la France un bourreau par association.

Ce narratif permet enfin de légitimer l’exigence de « rupture des contrats d’EDF et d’Orano avec Tenex pour stopper le commerce d’uranium et de déchets nucléaires avec la Russie », laquelle sert enfin à parasiter l’approvisionnement et les débouchés de la filière nucléaire française.

Si l’on en revient maintenant au fond de l’accusation, on note que celle-ci consiste à dire qu’une partie de l’uranium acheté par la France à des pays tels que le Kazakhstan ou l’Ouzbékistan (qui sont donc les vendeurs) transit par la Russie et donc par Rosatom (qui n’a pas de contrôle sur les ventes des pays précédemment mentionnés). Cette affirmation a cependant été « débunkée » par la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, laquelle a souligné que la France « ne se fournit pas en Russie pour son approvisionnement en uranium naturel ou la préparation du combustible, comme cela est sous-entendu à tort par Greenpeace. »[v].

Pourquoi Greenpeace ne s’attaque pas au cœur du problème ?

Au-delà de ce débat, qui illustre à quel point Greenpeace est tombé bas sur ce thème, la question qui se pose est celle de savoir pourquoi l’ONG s’entête à détruire le nucléaire français plutôt que de s’attaquer à la dépendance de l’Europe au gaz et au pétrole russe ?

Le problème vient-il fondamentalement des « 358 millions dʼeuros versés à Rosatom »[vi] en 2022 ? Ne vient-il pas plutôt des 650 millions d’euros que l’Union européenne dépense chaque jour pour son approvisionnement en pétrole et en gaz russe[vii] ?

Existe-t-il par ailleurs une hiérarchie des dépendances ?

Est-il plus grave de dépendre (très relativement) de la Russie ou bien (très largement) de la Chine pour la construction de voitures par exemple ? 

Ces questions en amènent une autre, l’ONG n’agirait-elle pas pour le compte d’autres acteurs comme le faisait déjà entendre une enquête du Point[viii] ?

Pour répondre à ces questions (et d’autres), il n’est pas inutile de reprendre le rapport J’attaque de l’EGE[ix].


Notes

[i] ] Le nucléaire français sous emprise russe. (2023, mars 5). Greenpeace France. https://www.greenpeace.fr/espace-presse/investigation-le-nucleaire-francais-sous-emprise-russe/

[ii] Commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France. Assemblée nationale. Consulté 12 mars 2023, à l’adresse https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/autres-commissions/commissions-enquete/ce-independance-energetique

[iii] Astrid (Réacteur). (2023). In Wikipédia.

https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Astrid_(r%C3%A9acteur)&oldid=200981005

[iv] Superphénix. (2022). In Wikipédia.

https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Superph%C3%A9nix&oldid=199852576

[v] Le nucléaire français est « sous emprise » de la Russie, affirme Greenpeace. (2023, mars 11). LE FIGARO. https://www.lefigaro.fr/sciences/le-nucleaire-francais-est-sous-emprise-de-la-russie-affirme-greenpeace-20230311

[vi] Chiffre donné par Greenpeace dans son rapport.

[vii] Importations de pétrole et de gaz russes : Combien l’Europe a-t-elle payé à Moscou depuis le début de la guerre ? (2022, mai 4). TF1 INFO. https://www.tf1info.fr/international/guerre-ukraine-russie-importations-de-combustibles-combien-l-europe-a-paye-la-russie-depuis-le-debut-du-conflit-2218658.html 

[viii] Woessner, G. (2022, juillet 20). L’autre visage de Greenpeace. Le Point. https://www.lepoint.fr/politique/l-autre-visage-de-greenpeace-20-07-2022-2483839_20.php

J’Attaque ! Comment l’Allemagne tente d’affaiblir durablement la France sur la question de l’énergie. (s. d.). École de Guerre Économique. Consulté 12 février 2023, à l’adresse https://www.ege.fr/infoguerre/jattaque-comment-lallemagne-tente-daffaiblir-durablement-la-france-sur-la-question-de-lenergie