par Véronique Chapuis
Le rôle du Droit dans la Guerre Economique commence à être étudié par les acteurs étatiques, économiques et sociaux ce qui donne lieu au développement de l’Intelligence Juridique. Cette discipline est définie comme « L’ensemble des techniques et des moyens permettant à un acteur – privé ou public – de connaître l’environnement juridique dont il est tributaire, d’en identifier et d’en anticiper les risques et les opportunités potentielles, d’agir sur son évolution et de disposer des informations et des droits nécessaires pour pouvoir mettre en œuvre les instruments juridiques aptes à réaliser ses objectifs stratégiques »[1].
Cette prise de conscience du rôle du Droit sur ce terrain guerrier suit des chemins variés[2], parfois sinueux lorsqu’elle inclut par exemple un questionnement sur la réalité de la guerre économique ou sur son positionnement par rapport au Droit[3] ou qu’elle constate une limitation de l’Intelligence Juridique à une activité de veille[4]. Les motivations obéissent à des ressorts variables où les prismes métiers, culturels ou intergénérationnels jouent un rôle important, souvent méconnu. Cette limitation à la veille peut être le fruit d’une politique marketing destinée à répondre aux besoins du marché juridique toujours à la recherche de l’information pertinente dans un tonneau d’infobésité sans fonds.
La critique de l’approche sur la guerre économique peut, quant à elle, venir d’un prisme métier, le spécialiste voulant revoir la vision exprimée par le non-spécialiste qui, par essence, ne peut pas être juste puisqu’il n’est pas juriste. Que celui qui n’a jamais eu cette pensée jette la première pierre ! Le prisme culturel joue, pour sa part, un rôle particulier dans la mesure où il est ancré dans les consciences : la pensée juridique d’un pays est nourrie de la morale du pays, de ses valeurs mais aussi de son histoire. Le fait de « … rechercher l’exhaustivité … dans la découverte … d’une grammaire générative profonde des systèmes juridiques au-delà de leurs spécificités géographiques et historiques… »[5] est une caractéristique historique du juriste allemand. Le raisonnement juridique du juriste continental sera qualifié par certains de déductif car il applique le droit aux faits, quand celui du juriste anglo-saxon sera défini comme étant « inductif » car ceux sont les faits qui le mènent au droit[6]. Ces prismes influencent inévitablement l’approche qui est faite des sujets, surtout en matière de guerre économique, où la frontière une infraction classique réprimée par un texte de loi et un acte de guerre économique est souvent complexe à établir.
En pratique, quelle vision le juriste peut-il avoir de la guerre économique ? Comment le droit appréhende-t-il les facettes de la guerre économique ? Enfin, la vision juridique peut-elle enrichir la définition de la guerre économique ?
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Notes
[1] Définition Bertrand Warusfel en 2012 citée par Arnaud Gossement et d’autres auteurs.
[2] Exemple : Christophe Roquilly sur les avantages de l’open data judiciaire pour l’intelligence juridique, https://www.atlantico.fr/article/decryptage/l-intelligence-juridique-a-t-elle-besoin-de-l-open-data-judiciaire-justice-calendrier-decision-christophe-roquilly.
[3] Teoman M. Hagemeyer-Witzleb, The International Law of Economic Warfare, Springer, 2021, p. 17.[4] Exemples : « LexisNexis, l’intelligence juridique : contenus et données pour la meilleure prise de décision » ou « Doctrine, la 1ère plateforme d’Intelligence Juridique ».
[5] Olivier Jouanjan : Histoire du Droit public allemand http://juspoliticum.com/article/Remarques-sur-l-Histoire-du-droit-public-en-Allemagne-1800-1914-pourquoi-lire-Michael-Stolleis-en-France-886.html.
[6] Mark Von Hoecke, Raisonnement juridique et droit comparé, Le Droit malgré tout, Presse de l’Université St Louis, p 53 à 75.