Atos, un enjeu stratégique de souveraineté nationale en matière de cybersécurité

25 octobre 2023, les médias rendent compte qu’un amendement, déposé conjointement par les députés Philippe Brun (PS) et Olivier Marleix (LR), prévoyant « une nationalisation temporaire des activités souveraines » du groupe, a été voté et adopté en commission des finances ce mercredi. Comme le précise le journal les Echos, « cet amendement propose plus précisément une prise de contrôle par l’Etat de deux divisions jugées particulièrement stratégiques de l’ex-fleuron technologique tricolore, à savoir le pôle BDS (big data et cybersécurité) et Worldgrid, qui regroupe les activités centrées sur la supervision de production, transport, distribution de l’énergie, notamment nucléaire. » 

A ce propos, il nous a semblé interéssant de reproduire le texte que le syndicat CGT d’ATOS avait rendu public le 22 septembre 2023 :

« Qu’est la société Atos pour la souveraineté nationale ?

Il est temps d’analyser ce qu’est Atos pour la France tant on scande dans les médias la défense nationale à protéger. Cependant cet arbre pourrait cacher la forêt d’autres services rendus à la nation…

Atos est une société européenne (SE) qui est – ou plutôt était – un groupe de 110000 employés…
De son démantèlement en cours, il ne pourrait rester fin d‘année que  45 000 salariés dans une nouvelle enveloppe dénommée Eviden.

En France, l’entreprise compte 11 000 salariés répartis sur 25 agences à travers le territoire, et réalise 25% de son CA dans le secteur public ou parapublic.

Atos est ce que l’on dénomme une marque noire. Un fournisseur que l’on ne voit pas mais pourtant présent dans les usages courants au service de la nation.

Atos a créé et maintient des systèmes et services informatiques pour le quotidien de chaque français. Avec entre autres, pour partie ou en intégralité :

  • Les systèmes informatiques de plusieurs ministères et institutions,
  • Le système informatique de votre carte vitale,
  • La gestion de services web de la CNAF,
  • La gestion de services de la CNAM,
  • Gestion de systèmes pour l’Acoss / Urssaf,
  • Création et gestion de FranceConnect,
  • Le service de déclaration des impôts en ligne,
  • Le logiciel de création de cartes et passeports,
  • Le logiciel du compteur électrique Linky,
  • Les services de réservations de billets de train,
  • Le système de régulation SNCF,
  • Des systèmes logiciels satellitaires,
  • Logiciels hospitaliers et dossiers médicaux,
  • Logiciels de gestion pour collectivités locales,
  • Support interministériel des logiciels libres,

Ne sont mentionnés que quelques exemples dans l’activité du secteur public. Atos est aussi présent dans le domaine du secteur privé de l’énergie, des banques et assurance, de la santé, et de l’industrie…

Tous les jours, chaque citoyen utilise directement ou indirectement des services Atos sans le savoir.

En exergue, Une très grande partie de ce qui est énuméré précédemment est en projet de vente au fonds tchèque d’investissement EPEI appartenant à Daniel Kretinsky. Quelles garanties seront prises par la direction générale et peut-être par les instances gouvernementales pour assurer la fiabilité et la pérennité de l’ensemble de ces services & usages à la population française ? Pour le moment, c’est silence radio, avec une consigne toute militaire : le secret.

Atos ce n’est pas seulement des services quotidiens aux citoyens, c’est aussi des systèmes d’information indispensables au « régalien » :

  • Un téléphone sécurisé des armées,
  • Clés de cryptage pour systèmes sécurisés,
  • Logiciels de surveillance urbaine,
  • Logiciels de gestion des services d’urgence,
  • Le portail des douanes,
  • Le Système de Combat Scorpion pour les armées (SICS),
  • Des logiciels communication et combat pour la marine,
  • Des connectiques pour le Dassault Rafale,
  • La production de supercalculateurs,
  • Les logiciels de gestion des centrales nucléaires,
  • Le logiciel de recherche du renseignement intérieur,

Donc, si on pose la question de la dimension stratégique d’Atos pour la souveraineté nationale, Il faut aborder les 2 volets: L’informatique des services publics et les activités de défense & intérêts vitaux.

Pour l’informatique de gestion des services publics ou parapublics :

L’ensemble des services IT et des données associées qu’Atos fournit à l’Etat, tomberait dans l’escarcelle du fonds EPEI. En termes de droit européen, il semble qu’il n’y a pas d’obstacles.

Mais, et c’est un grand « mais », l’interrogation réside dans les restructurations que pourrait prévoir EPEI, futur propriétaire à 100 % de Tech Foundations.

S’agissant des effectifs, du social, des sites, des réductions d’activités, de possibles ventes à la découpe, d’entrée en bourse, etc. pas d’information, sinon peu rassurante : «Tech foundations continuera sa marche comme auparavant » dixit la direction, avec les résultats que l’on sait !

Ce sont des questions que la représentation nationale doit s’approprier, il en va de la continuité des services et usages importants pour la vie de la Nation. Sans oublier les services au secteur privé. Dresser la liste exhaustive de toutes les activités où est impliqué Atos en termes de services de gestion pour l’Etat et les grandes entreprises jouant un rôle stratégique pour la nation serait édifiant !

Pour les activités de défense nationale & intérêts vitaux :

De quoi parle-ton ? En dimensionnement, les activités de défense nationale d’Atos représenteraient quelque 1000 salariés sur les 10 000 en France. C’est conséquent et c’est à prendre en compte..

Également, il faut mentionner la fragilité du groupe rétréci Atos qui sera dénommé Eviden : lourd endettement, marge insuffisante, gouvernance délétère, bref un avenir proche déjà en péril…

Pour les supercalculateurs qui font la une de la presse, Atos est  en effet le seul fournisseur en Europe. L’usine d’Angers c’est près de 200 salariés, qui font de l’intégration (pas de la construction !) de machines ! Cette activité nécessite régulièrement aussi de lourds investissements, qu’Atos-Eviden n’assure plus. Il y a fort à faire en moyens si on veut une totale souveraineté en ce domaine !

Il y a aussi les brevets techniques et informatiques. Atos en posséderait près de 2 300 dont 3% (60) irait chez EPEI/Tech F. C’est aussi un enjeu de propriété intellectuelle et donc conséquent pour l’avenir.

Reste un argument massue : Il est prévu dans le projet de démantèlement d’Atos, que EPEI prendrait 7,5% du capital d’Eviden. C’est-à-dire injecterait d’après les chiffres presse près de 200 millions dans la capitalisation du nouveau groupe redessiné. Cette composition capitalistique en ferait l’actionnaire principal avec un siège au Conseil d‘administration. Dans la presse, EPEI s’est exprimé en août 2023 clamant qu’il ne jouera aucun rôle dans la direction d’Eviden. Mais au regard de la situation, comment un actionnaire majeur pourrait laisser en sous-performance une société dans laquelle il a investi…

En conclusion, sur Atos et la souveraineté nationale,  il y a la partie émergée démonstrative que sont les activités de défense nationale, des centrales nucléaires et des supercalculateurs. Cependant il y a aussi une partie cachée dont peu voit l’importance que sont les services IT et infogérés d’Atos qui contribuent aux nombreux socles des logiciels/portails/hébergement à usage de la population française.

La CGT Atos & Eviden exige que nos représentants politiques se saisissent en profondeur du dossier Atos avant que cela tourne à une nouvelle catastrophe industrielle de grande ampleur…«