Pistes à étudier sur les forces en action derrière le phénomène « Greta Thunberg »

par Benedikt Sütter

Il a étudié le droit à l’Université Goethe de Francfort-sur-le-Main et travaille
depuis 2018 dans le cabinet d’avocats d’affaires Gleiss Lutz .

Le phénomène sociétal et médiatique que représente désormais l’engament public de la jeune Greta Thunberg n’est pas sans soulever un certain nombre d’interrogations. L’EPGE donne la parole à un juriste allemand, Benedikt Sütter, qui remet en perspective les intérêts économiques et géopolitiques qui peuvent être identifiés dans le décryptage des liens entre les parties prenantes du débat sur le climat.

Le mouvement écologique actuel poursuit des objectifs scientifiquement justifiables, mais il est difficile d’établir une frontière hermétique entre ses initiatives et les intérêts en jeu dans ce qu’on appelle désormais l’économie verte.

La récente sortie de l’ouvrage de Fabien Bouglé, Eoliennes, la face noire de la transition écologique, aux éditions du Rocher, relance le débat sur les limites du discours politiquement correct sur un sujet de plus en plus sensible. D’aucuns commencent à s’interroger sur la capacité du mouvement de protestation pour la défense de l’environnement à ne pas se faire instrumentaliser par des intérêts divers. Au niveau européen, par exemple, il est discuté le fait d’abaisser les exigences de fonds propres pour les établissements qui appliquent certaines normes écologiques. L’introduction d’une taxonomie européenne vise à créer des normes uniformes pour les investissements verts, qui serviront plus tard de base à des règles de publicité obligatoires pour les entreprises, sur la base desquelles, d’une part, les investisseurs soucieux de l’environnement, les banques centrales, mais aussi les agences de notation décideront des investissements des entreprises. L’ONU estime à 4,5 billions d’euros par an le montant d’argent nécessaire (qui doit alors également être mis en œuvre) pour la Grande Transformation, comme on appelle en partie l’évitement du CO2, et l’UE suppose des investissements nécessaires de 180 milliards d’euros par an. La perspective de réorienter ces énormes sommes d’argent semble inciter certains acteurs à appuyer sans le revendiquer officiellement des manifestations de masse sous la direction d’icônes telles que Greta Thunberg.

Les inspirateurs d’un cri de révolte

L’histoire d’un mouvement populaire lancé par l’élève Greta Thunberg doit, au vu des liens évidents, être reconsidérée comme l’expression d’une manifestation spontanée. C’est ce qui apparaît lorsqu’on fait un focus sur la manière dont a été lancée la notion de grève scolaire pour le climat. L’idée d’une grève scolaire ne vient pas de Greta Thunberg, mais d’un certain Bo Thoren. Greta a adhéré à son idée qui fut présentée à un cercle d’élèves. Bo Thoren est un représentant du mouvement écologiste extrémiste Extinction Rebellion, sur lequel nous reviendrons plus loin.

Au début, les actions de Greta n’ont suscité que peu de réactions. L’un de ses premiers discours publics a eu lieu devant des rangs vides. La télévision suédoise a masqué cette réalité en ne pointant les caméras que sur la scène où s’exprimait la jeune Greta. Le manque de résonance a rapidement été résolu avec l’aide du très talentueux conseiller en relations publiques Ingmar Rentzhog. Rentzhog a été le premier à publier les photos virales de Greta. Il est également le fondateur de l’agence de relations publiques « We Don´t Have Time« , dont le co-président, David Olsson, a également une formation en investissement et finance. Un membre de la famille propriétaire de Kinnevik, l’une des plus grandes entreprises d’investissement suédoises, a donc été choisi comme investisseur important dans « We Don´t Have Time ». 

Rentzhog est également président du think-tank Global Challenge. En plus d’Anders Weijkman, ancien président du Club de Rome ayant des liens avec le plan de grève scolaire de Bo Thoren, Global Challenge comprend la conseillère principale Catharina Nystedt Ringborg. Ringborg n’a pas seulement été vice-président du géant suédois-suisse de l’énergie ABB, il est également membre de la société de capital-risque « Sustainable Energy Angels », qui comprend également une poignée d´anciens employées de ABB.

L’orchestration des « grèves scolaires

Les grèves scolaires ont ensuite été regroupées sous le nom de « Fridays for Future » (FFF). La FFF n’est pas légalement constituée, donc un simple nom. Cependant, des dons sont possibles (et nécessaires) pour soutenir les actions de protestation. Les reçus de dons, qui en Allemagne ne peuvent être délivrés que par certaines personnes, par exemple des associations à but non lucratif, ont été émis par la Fondation Plant-for-the-Planet avant qu’un magazine allemand ne découvre ce lien. Fritzhjof Finkbeiner, membre du Club de Rome et président du Conseil de surveillance de la Fondation Desertec, fondation dont l’objet social est la production d’énergie verte à partir des déserts d’Afrique, est membre du Conseil exécutif de cette fondation. 

Une organisation sœur de la FFF est « Parents for Future« . Pendant que les enfants manifestent le vendredi, les parents des enfants manifestants doivent être encouragés à investir de l’argent dans des investissements verts (une assistance juridique est également fournie contre les autorités scolaires). C’est là que Ökoworld AG, un fonds d’investissement spécialisé dans les investissements verts, soutient, conseille (et gagne). 

A peu près en même temps que les premières grèves scolaires, une solidarité mutuelle s’est manifestée entre « Fridays for Future » (FFF) et Extinction Rebellion (XR). Jusqu´à présent, le mouvement XR a été actif principalement au Royaume-Uni et appelle à la désobéissance civile avec des slogans et des actions plus radicaux que FFF. XR est plus radical et a une vision (géopolitique) plus large, que l’on pourrait peut-être mieux résumer par « changement par le chaos », sur le modèle des tactiques de guérilla.

La position de la Russie dans le débat

Comme l’a révélé le magazine britannique pour la jeunesse « Vice », l’industrie énergétique classique britannique mène des campagnes ciblées contre le XR. Mais a contrario, ce que « Vice » ne mentionne pas en revanche, ce sont les liens souterrains qu’entretient le mouvement XR avec d’éventuels fournisseurs d’énergie aux intérêts exactement opposés aux énergéticiens britanniques.

Le représentant de XR , jadis l’un des fondateurs du mouvement Occupy Wall Street, Micah White, a admis publiquement qu’il était devenu la cible d’une influence russe à motivation géopolitique. Dans un contexte où ce lien devient public, il n’est pas surprenant que le mouvement XR occupe une place importante dans les programmes d’information de Russia Today. Une des explications que l’on peut avancer sur le soutien indirect de la Russie au mouvement XR est son intérêt à déstabiliser le bienfondé écologique de la technologie de fracturation, ce qui a fait des États-Unis le premier exportateur mondial d’énergie dans un délai très rapide. Ceci est clairement indiqué dans un rapport au Congrès américain. Le véhicule russe aux Etats-Unis est apparemment la « Sea Change Foundation« .

Plusieurs déclarations énigmatiques émises par des fonctionnaires fédéraux nord-américains soulignent l’éventualité de liens étroits entre le mouvement XR avec la Russie. De son côté, la chancelière allemande Angela Merkel a laissé entendre en marge de la Conférence de Munich sur la sécurité que les manifestations allemandes de la FFF étaient des signes de l’influence russe. La ministre belge du climat a également fait une déclaration dans ce sens au sujet de présumées découvertes des services de renseignements du royaume.

Enfin, l’examen de la carte de diffusion du mouvement XR démontre une étonnante absence dans deux pays qui sont connus pour leurs émissions de CO2 particulièrement importantes : la Russie et la Chine.

Il est certain que les pistes de réflexion évoquées dans cet article ne ciblent pas la totalité des relations souterraines entre Greta (ou son mouvement) et la « Big Energy ».