Note de lecture sur “Le Piège Américain” de Frédéric PIERUCCI

Par Olivier de MAISON ROUGE

« LE PIEGE AMERICAIN. L’OTAGE DE LA PLUS GRANDE ENTREPRISE DE DESTABILISATION ECONOMIQUE TEMOIGNE » (JC Lattès, 2019) par Frédéric PIERUCCI.

Après l’affaire BNP PARIBAS, sanctionnée pour violation des lois d’embargo américaines, l’affaire ASTOM a été incontestablement un éveil des consciences sur les effets pour le moins agressifs et dominateurs de l’extraterritorialité des lois américaines. Bien que l’usage du droit dans la guerre économique ne soit pas nouveau, dans ces cas d’espèces, le droit a été un instrument déterminant, au cœur des rivalités économiques.

Les ressorts judiciaires et les conséquences en sont désormais bien connus.

De nombreuses publications ont mis au grand jour les rouages de cette guerre économique du droit, débutée sous Bill Clinton :

Rapport parlementaire Berger-Lellouche (Assemblée nationale, 5 octobre 2016), rapport parlementaire du député Olivier Marleix, reportage « Guerre fantôme », Alstom, scandale d’Etat (Fayard, 2015) de Jean-Michel Quatrepoint, notre ouvrage Penser la guerre économique. Bréviaire stratégique (VA Press, 2018), et « the last but note the least » celui de notre ami Ali Laïdi, Le droit, nouvelle arme de guerre économique. Comment des Etats-Unis déstabilisent les entreprises (Actes Sud, 2019).

Pour revenir au Piège américain, il s’agit là d’un véritable témoignage édifiant du cadre d’Alstom qui a été instrumentalisé par la Justice américaine afin de céder au chantage conjoint du Departement of Justice et de General Electric. Cela lui a valu plusieurs années de prison, dans des conditions peu ragoutantes.

Frédéric PIERUCCI, d’abord ignorant des faits qui lui sont reprochés et des textes applicables, aborde tour à tour, avec un regard ingénu avant d’en devenir expert malgré lui, toute l’étendue du FCPA, la faible place laissée aux droits de la défense dans la Justice anglo-saxonne, la toute-puissance du DOJ et du grand bluff « coopératif » au sein duquel il est livré en otage, et où en définitive, à travers ce système biaisé, l’extraterritorialité est arme de la guerre économique ô combien redoutable.

Monnaie d’échange au cœur de cette machine impitoyable, Frédéric PIERUCCI décrit avec un regard sans complaisance, mais teinté de sentiments néanmoins très humains, l’univers carcéral US dans son toute son abjection où il apparaît que le système judiciaire comme le système pénitentiaire sont soumis à des règles économiques, loin des principes européens de service public et des garanties du justiciable.

La morale – pourtant largement mise en avant en matière de lutte contre la corruption – en sort affaiblie, devant tant de mensonges (y compris par des autorités françaises dociles), lorsque l’on sait que la compliance prospère sur cette prétendue éthique des affaires.

Affaire Alstom fut un cas d’école à tous points de vue, un marqueur de la guerre économique.


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