La France face aux nouveaux enjeux de la souveraineté économique

par Claire Brobécher

Depuis 2020 et particulièrement avec l’arrivée d’un virus dénommé COVID-19, la France est confrontée, de façon assez brutale, à ses faiblesses et surtout à sa manière d’avoir délaissée la question de la souveraineté économique depuis des décennies. Sur ce point essentiel aujourd’hui, à l’heure de la guerre économique qui découle de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, notre pays fait figure « d’ingénu [1]». Sa population découvre qu’en période de crise, sanitaire et/ou géopolitique, elle n’a plus accès à certains de ses médicaments vitaux, à des biens de consommation courante ou même à sa principale source d’énergie : le gaz.

Le rapport de sa commission des affaires économiques, daté du 6 juillet 2022, l’informe d’une « perte de souveraineté bien plus profonde que ne l’admet [son] gouvernement[2] ». L’ingénue découvre de « nouvelles vulnérabilités, de nouvelles dépendances insoupçonnées[3] » alors que son déficit commercial avec la Chine par exemple ne fait qu’augmenter d’année en année[4]. Pis encore, les dépendances connues ont été « bien vite oubliées[5] ». Ce même rapport dénonce des dépendances dénoncées de longues dates, renforcées « à la faveur de la naïveté[6] ».

Les parlementaires ont, durant de longues années, lénifié leurs rapports en jouant subtilement avec la langue de Molière. Aussi, le député Max Roustan affirmait en 2004 que « la désindustrialisation du territoire [était] un mythe », mais admettait qu’il avait bien « une désindustrialisation de territoire[7] ». Dans la presse également, le sujet est abordé d’une plume romantique : « l’industrie française ne disparait pas, elle se modernise et s’adapte[8] ». Même la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire (DATAR) encense l’ingénue en intitulant un de ses rapports en 2004, la France puissance industrielle, affirmant doctement qu’il n’y avait pas de désindustrialisation mais des « mutations industrielles ». De cet aveuglement doctrinaire, est né ce qu’on pourrait qualifier de véritable un déni sur la question vitale de la souveraineté.

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[1] Définition d’ingénu : qui a une sincérité innocente et naïve.

[2] Rapport d’information n°755 du Sénat fait au nom de la commission des affaires économiques sur la souveraineté économique de la France, par Mmes Sophie Primas, Amel Gacquerre et M. Franck Montauge, en date du 6 juillet 2022.

[3] Idem.

[4] Le déficit commercial français vis-à-vis de la Chine a atteint 39,6 Md€ à comparer à 38,9 Md€ en 2020 et 32,3 Md€ en 2019. « Les importations en provenance de Chine ont également progressé dans tous les secteurs, en lien avec la reprise de la consommation des ménages en France » (direction générale du trésor, Chine, échanges bilatéraux entre la France et la Chine).

[5] Idem.

[6] Idem.

[7] Roustang, 2004, p.8.

[8] Alternatives économiques, décembre 2003.