Dans la guerre économique : il faut attaquer !

Trois questions à Nicolas Ravailhe

Propos recueillis par Nicolas Moinet

Spartiate, Armée De Terre, Soleil, Crépuscule, Romain

Par vos activités « à Bruxelles », vous êtes un observateur averti des jeux de puissances dans les relations internationales. Selon, vous, comment une crise sanitaire engendrée par un virus mondialisé contribue-t-elle à augmenter dans l’urgence les risques et les opportunités pour les opérateurs économiques ?

N.R. : En matière de déstabilisation économique, un virus, dont on peut légitimement croire que l’apparition est involontaire, « interfère » avec les schémas classiques d’attaques économiques et même « viraux » par voie numérique.

Les cotations boursières se sont effondrées en quelques jours. La valeur des entreprises cotées est amoindrie. Grandes entreprises comme PME, toutes rencontrent des vulnérabilités : une production ralentie, des difficultés logistiques, des pertes de marchés, des trésoreries tendues …

Pourtant, sur un plan national comme européen, les réactions pour endiguer les tensions sont nombreuses. La Banque centrale européenne injecte 750 milliards d’euros pour éviter une crise systémique. D’autres interventions devraient suivre.

La Commission européenne suspend le pacte de stabilité et assouplit la politique concurrence permettant aux Etats d’agir largement. Les fonds européens sont mobilisés et redéployés en un temps record. Des millards d’euros sont orientés vers les entreprises. Les premières mesures portent sur 37 millards de fonds de cohésion, 179 millions du fonds d’ajustement à la mondialisation, 800 millions pour le Fonds européen de solidarité.

En France, la Banque publique d’investissement est mobilisée et apporte « cash » et garanties. Elle réaménage des prêts octroyés aux entreprises. Des Etats, à l’instar de l’Allemagne, envisagent de nationaliser quand la France suspend les privatisations.

Alors que des flux financiers importants vont circuler avec des opérateurs économiques affaiblis, comment protéger activités économiques, entreprises, propriété intellectuelle des menaces de prédation ? Comment saisir des opportunités à travers des attaques ciblées et utiles ?

N.R. : Les États-Unis n’ont, en l’espèce, pas attendu. Au plus haut sommet, Donal Trump en tête, ils ont lancé – dès l’apparition de la crise à un niveau plantaire – une offensive de prise de contrôle d’une PME de recherche allemande dans le secteur de la santé ! D’autres comme le fonds d’investissement britannique Amber ne sont pas effrayés par la conjoncture de crise et agissent vite et fort. Tel est le cas avec l’offensive lancée au sein du groupe Lagardère. 

L’Europe constitue un front juridique, politique et économique essentiel et « en mouvement » pour défendre nos filières et entreprises. Les batailles de l’information sont également lancées sur les solutions à cette crise à commencer par la dimension médicale. Des cyber-attaques ont visé l’Assistance publique hôpitaux de Paris (APH).

Nous sommes, en effet, en face d’un phénomène bien connu : les guerres, les tensions et les crises ouvrent des espaces de conquêtes économiques. Dans l’urgence, les techniques d’intelligence économique (IE) offrent des réponses opérationnelles. En effet, l’IE se distingue par sa capacité à mobiliser des acteurs en dehors d’un fonctionnement défensif « en silo ». Le temps où chacun est « embastillé » dans ses compétences sans travailler de concert avec les autres est révolu.

Au nom d’un patriotisme économique plus que jamais nécessaire, il est urgent d’employer les techniques d’intelligence économique.

Du spéculatif à l’opératif, que faire rapidement en France ?

La cellule de crise du ministère des finances est opérationnelle. Ses missions sont utiles sur un plan défensif. Bercy coordonne les mesures, annonce vouloir sécuriser les paiements inter-entreprises… On ne peut que l’inviter à travailler avec les acteurs de l’IE pour passer de l’analyse et la gestion des risques à l’offensive. Ne dit-on pas que « la meilleure des défenses est l’attaque » ?