L’expansionnisme chinois

Par Grégoire de Warren Directeur agence Ouest Agro, BTP.

« L’initiative ceinture et route est une route publique ouverte à tous, et non une route appartenant à une seule partie. Tous les pays intéressés sont invités à y participer et à partager ses bénéfices ». Déclaration du président Xi Jiping lors du sommet du forum de Baoa, publié sur le site officiel gouvernemental et repris relayé par le Journal d’influence CGTN

« La Chine ne cherchera jamais l’hégémonie, l’expansion ou une sphère d’influence. La Chine ne se livrera jamais non plus à une course aux armements ». Déclaration du président Xi Jiping lors du forum de Boao du 18 au 20 avril 2021.

L’expansion économique du modèle chinois cache-t-elle le désir d’un nouvel ordre universel et social ? L’esprit de revanche de l’empire du milieu qui n’a pas oublié les conséquences des guerres de l’opium, le pousserait-il à asservir une partie du monde au cours du XXI° siècle ?

Existe-il une volonté de déni de droit souverain au travers les implantations chinoises tout le long du collier de perles ? Un risque de recouvrement des prêts par aliénation du droit privé ? (Piège de la dette) Ou encore une modification de la perception des droits de l’homme pour justifier l’expansion chinoise ?  Le crédit et l’ingénierie sociale au travers les réseaux et bientôt la 5 G, de l’IA, permettront-ils à la Chine d’imposer une autre conception de la marche du monde au XXI siècle ? Quelles normes le pays imposerait-il dans notre environnement social et économique ? 

Déni juridique du droit de la mer, aliénation de nombreux actifs, détention de dettes souveraines, asservissement d’appareils d’état, édiction des normes numériques et suprématie technologique, ingénierie sociale sans précédent, accaparement de ressources minières et stratégiques, « armée de réserve » économique et sociale jamais égalée, propriété de réseaux de transports terrestres, maritimes, et aériens….

Accroissement de puissance du pays à la faveur de la crise sanitaire

A la « faveur » de cette crise, les pays émergents se voient dépasser la barre de 60% du PIB mondial, tiré par le dynamisme de la zone du Sud Est Asiatique.  La crise sanitaire, comme toutes les crises, est un révélateur de faiblesses ou de forces et un accélérateur des situations préexistantes. La contraction du PIB des pays riches est de 9%, la contraction du PIB des pays émergents est de 3%. Toujours avec une forte hétérogénéité entre les différents acteurs Asiatiques, puisque la Chine voit son PIB augmenter de 4%, suivie de près par le Viet Nam et Taiwan. Ces trois pays sont les seules nations à conserver une économie positive dans l’Asie de l’Est en 2020. La dette mondiale augmente d’un sixième en 2020 (14,6 % du PIB mondial), elle progressera encore de 4 000 milliards de dollars en 2021.

La Chine détient à elle seule 15% de cette dette mondiale, soit 40 000 milliards de dollars. En partie émise au service de son expansionnisme, et notamment  à partir 2008, lorsque la crise avait ralenti la croissance mondiale et que l’Etat avait généré un gigantesque plan d’investissement intérieur destiné à compenser la baisse des exportations. Néanmoins Le risque souverain est contenu car la dette publique reste principalement libellée en monnaie locale et que les réserves de change et la dette publique sont principalement détenues par des Chinois.

Une stratégie industrielle sur un modèle de siphon des technologies mondiales

Il existe à l’heure post COVID, un plan de stimulation interne qui compense le net recul de l’exportation, augmentant encore la dette de la Chine. Cette baisse de l’exportation a pour conséquence l’accélération d’une économie de plus en plus tournée vers les services (Situation préexistante avant COVID, et accélérée par la pandémie). Le tourisme interne joue un rôle important (Existence d’un formidable marché intérieur de 1,4 milliards d’habitants) tiré par la crise sanitaire (voyages en interne versus voyage à l’étranger).

Cette situation est un élément important pour de nombreuses économies qui n’envisageaient pas la possibilité d’une désaffection touristique des Chinois dans leurs territoires. Ces phénomènes macroéconomiques, expliquent en partie la compensation d’une diminution de l’exportation. Un des évènements notables fut le nouvel an  (Nouvel An lunaire ou Fête du Printemps) la plus grande migration humaine chaque année aux XX° et XXI° siècle, qui  s’est tenu en 2021 à partir du 12 février, et qui aura déplacé 415 millions de personnes en 2019 (chiffres de l’académie du tourisme).

Le développement du tourisme, la gestion sociale du pays et la poursuite des investissements dans de très nombreuses structures, permettent donc d’endiguer une montée massive du chômage liée à la diminution de la consommation mondiale, et par conséquent à la réduction temporaire de production des industries de masse. (chômage également compensé par la réalisation de vastes projets à l’extérieur de la Chine, financés par les fonds souverains chinois, construits par des entreprises Chinoises et par des travailleurs Chinois). A l’instar de ce qui peut se produire aux États-Unis d’Amérique, le marché intérieur est un formidable relais de croissance, un amortisseur de crise, un instrument de relance. Capacité accrue dès lors qu’une partie de la société tend à s’enrichir, permettant aux citoyens de s’endetter, de consommer, et d’alimenter ses propres capacités de production.

Le Sud Est asiatique a réellement pris conscience de leur dépendance vis-à-vis de la Chine à la lueur de la crise sanitaire. Pour exemples, la part du PIB de Taïwan lié aux exportations vers la Chine s’élève à 14% (principalement commerce d’électronique), la Corée du Sud 8%, La Malaisie 9%. Une diminution non substituée des importations chinoises fragiliserait les économies de ces pays. Actuellement dépendante de Taiwan, la Chine cherche notamment à devenir autonome sur sa production de semi-conducteurs.  Dans cette perspective, Taiwan diversifie ses partenaires, relocalise sa production et cherche d’autres activités économiques.

Il existe ainsi un mouvement de fonds au sein des pays d’Asie du Sud Est, non pas pour envisager une indépendance totale vis-à-vis de l’empire du Milieu, mais pour rééquilibrer certains échanges et influences économiques.  Il n’est pas possible pour ces pays, comme pour d’autres (Europe, Etats Unis) de s’affranchir du marché intérieur chinois. 70% des entreprises américaines ou européenne qui produisent en Chine déclarent n’avoir aucune intention de quitter le pays. Pour trois raisons : la première concerne l’efficacité de production versus effondrement de la productivité des pays occidentaux, la seconde est liée aux infrastructures très développées, la troisième concerne l’efficience de la supply chain globale (Chaine de valeur composée des parties prenantes internes et externes). A contrario ; l’Inde et l’Australie tournent le dos à la Chine, et multiplient les partenariats économiques avec d’autres pays d’Asie du Sud Est.

Néanmoins le coût de production augmente inexorablement en Chine, facteur lié à la hausse du niveau de vie. Ainsi le pays ne pourra pas continuer à miser sur une industrie à faible valeur ajoutée, elle vise donc le haut de gamme. Pour ce faire, elle a notamment racheté de nombreuses technologies, et a su tirer profit des connaissances techniques grâce aux
investissements directs à l’étranger (IDE) et à de nombreux partenariats industriels avec des firmes étrangères.

Le cas du nucléaire constitue un fait marquant : La Chine a racheté la plupart des technologies du monde et lancé des programmes de construction en établissant des consortiums avec des entreprises occidentales innovant dans les technologies les plus sûres et les plus avancées. En moins de dix années, elle a pu acquérir les normes et les technologies du standard 3 de la plupart des technologies des réacteurs civils : EPR Français, VVER-1200 russes, AP 1000 nippo-américains (Sinisés en CAP-1000 puis CAP-1400 plus puissants), développé le réacteur Hualong 1 (HPR-1000) à partir de l’ACP-1000 et l’ACPR-1000 lui-même développé par Framatome sur la base des CPY). Ces acquisitions lui ont notamment permis d’intégrer la technologie des systèmes de contrôle commande, qui est en matière de conduite et de sûreté la plus grande évolution des réacteurs de 3° génération. Le système Contrôle commande de Hualong 1, d’origine franco-allemande (Areva-Siemens), est maintenant fabriqué sous licence chinoise avec des composants chinois.

Compte tenu des ambitions chinoises sur la puissance à installer pour 2030 (200 GW, pour comparaison la puissance mondiale en 2015 est de 378 GW), Pékin   ambitionne la maitrise et la mise en œuvre de toute la chaine de valeur nécessaire pour obtenir la souveraineté de sa filière, depuis l’extraction jusqu’au retraitement en passant par l’enrichissement. Comme la France et les Etats Unis dans les années 70 à 90, la Chine pourrait bien dominer le secteur par l’ampleur de son programme de développement et d’exportation (bénéfice des effets de série, retour d’expérience). Compte tenu des réserves mondiales limitées en uranium U235, la Chine entreprend l’acquisition de vastes mines d’uranium, notamment au Mozambique, et conteste les chasses gardées d’Orano au Niger. Mais ses ambitions dans le nucléaire civil ne s’arrêtent pas à ses frontières.

La Chine entend exporter sa technologie et s’accaparer les parts de marché, reléguant la France à une puissance nucléaire de second rang comme le démontre la fabrication chinoise de deux HPR-1000 -Karachi 2 et 3- au Pakistan. La gestion des déchets à  vie courte ou longue n’est pas en reste, et là encore le pays bénéficie directement de l’expertise  française, elle gère ses déchets suivant le même modèle: recyclage de l’uranium et du plutonium dans des combustibles mixtes (Tel que le Mox qui est fabriqué à l’usine Melox de Marcoule), ainsi que la vitrification des déchets ultimes suivant  la technologie mise au point par le CEA à Marcoule, et mise en œuvre avec succès à l’usine d’Orano la Hague.

La Chine a également élaboré des projets d’enfouissement dans les couches géologiques profondes comme cela est en cours d’expérimentation à Bure. Elle anticipe aussi une pénurie d’Uranium si les réacteurs nucléaires se généralisaient. Aussi, a-t-elle fait le choix de la technologie française, l’utilisation de Plutonium 239 issu des combustibles usagés pour compléter ainsi une ressource aussi rare que l’uranium-235. Egalement, d’autres technologies comme l’incorporation des déchets radioactifs issus de la fonte des anciens composants primaires, technologie développée par la filiale Edf Cyclife.

L’attrait asiatique de la Chine suscite la méfiance

S’étant engagé sur l’exportation de haute technologie, la Chine mise également sur l’exportation des capitaux. Notamment dans les pays de la zone d’Asie du Sud-Est qui manqueraient de 800 milliards de dollars de fonds propres pour développer leurs infrastructures. Société vieillissante et changeante, La Chine anticipe ainsi des problèmes démographiques, de productivité et de solidarité intergénérationnelle, par des investissements à l’extérieur de son propre territoire.

Plusieurs blocs d’influence se forment dans cette région du monde : Le Japon et l’Indonésie tissent des liens de partenariat avec l’Europe, Le Japon avec l’Inde et la Corée du Sud, La Chine avec le Cambodge et le Laos. La Thaïlande tente de limiter sa dépendance à Pékin, elle est néanmoins très liée. Le gouvernement thaïlandais a amorcé la réalisation d’un plan ambitieux visant à construire un réseau ferroviaire reliant la Thaïlande et les autres pays de la région, notamment Singapour et la Chine. La Thaïlande ambitionne de se positionner comme le centre logistique de l’ASEAN. Elle doit donc prendre en compte une situation complexe et contradictoire dans la mesure où le financement du réseau est assuré par la Pékin et que Bangkok recherche en même temps à accroître son autonomie.

Le Viet Nam n’est pas en reste, pays de cent millions d’habitants, il est conscient des limites de son système de dumping social à court terme, il doit nécessairement évoluer pour réussir sa transformation numérique, accéder aux technologies et préserver son indépendance. C’est un des nombreux sujets qui attendent le nouveau 1° ministre, et ce n’est pas pour rien que soit nommé au poste Pham Minh Chính, auparavant responsable de l’Intelligence économique du pays.

Dans cette région du monde comme dans beaucoup d’autres, tous ces pays ressentent un net recul de l’influence des Etats-Unis d’Amérique et le besoin de se réorganiser. Nombreux sont ceux d’entre eux qui ne veulent pas rejoindre le grand parapluie de Pékin. Non par dogmatisme, mais par pragmatisme, selon leur approche culturelle et de recherche de l’équilibre Yin et yang.

Une montée de l’influence chinoise dans toute l’Asie du Sud Est par le déni du droit de la mer

Le droit de la mer a été ratifié en 1981 en Jamaïque, lors de la convention organisée par l’Organisation des Nations Unies. par la Chine et la plupart des pays, Il a été ratifié par la Chine, et 167 autres pays, à l’exception de quelques Etats dont les Etats Unis d’Amérique et Taïwan. Le Régional Comprehensive Economic Partnairship (RCEP) a pris effet en 2020, dépassant l’Accord de partenariat Transpacifique  (par le nombre d’habitants et par le PIB qu’il représente) Il résultait d’une volonté commune d’améliorer les échanges, de limiter les droits de douane entre les partenaires. mais à compter du 10 janvier 2022, la Chine ne reconnaitra plus les passeports britanniques accordés aux Hongkongais). La projection maritime du droit chinois passe nécessairement par une modification des règles dans sa propre zone d’influence. Une action de smart power affirmée et assumée dans toute la mer de Chine méridionale. Force est de constater la montée de l’influence de la Chine dans le périmètre des Zones d’Exclusivité Economiques (ZEE) ou zones contiguës, ainsi que dans les mers territoriales des terres qu’elle revendique suivant la ligne des 9 traits qui longe la Malaisie, les Philippines, Brunei, le Vietnam et bien entendu Taiwan dans son intégralité. L’influence chinoise relève d’une doctrine de smart power, puisqu’elle passe par une politique de déni d’accès, assortie de moyens coercitifs à l’intérieur de cette ligne des 9 traits.

Les conséquences de la militarisation des récifs de la mer de Chine méridionale

La Chine déploie des équipements de guerre électronique sur Fiery Cross et Mischief, forte augmentation ses capacités de missiles sol mer et sol-air à 200 milles du Vietnam et des Philippines, sur des îles transformées en bases navales et loin de ses frontières continentales distantes de 800 milles. Verrouillant ainsi méthodiquement la mer de Chine méridionale et contestant les accès aux autres puissances étrangères (occidentales, asiatiques, australienne, indienne). Pékin fabrique des ilots artificiels au moyen de son navire Tian Kun Hao, déploie des milices de l’APL dissimulées dans des flottes de navires de pêche, utilisant ainsi autant la force que la ruse pour gagner en hégémonie. Le Vietnam qui a des revendications sur ces ilots en Mer de Chine méridionale s’inquiète des agissements de Pékin.

Au-delà des enjeux de trafics maritimes qui transitent par la mer de Chine méridionale (5000 milliards dollars de transit annuel en direction de l’océan Indien), il y a bien des enjeux de ressources naturelles (Pétrole 0,5% du volume mondial, gaz naturel 13% du volume mondial, mais aussi guano, phosphate, …) il existe également et peut-être surtout la question stratégique des couloirs bathymétriques qui permettent aux sous-marins nucléaires de l’APL d’accéder à l’océan Indien depuis leur base de Hainan via l’autoroute sous-marine des Spartleys et le détroit de Balabac puis la mer des Célèbres, le détroit de Macassar et celui de Lomboc qui constituent le point passage dans l’océan Indien.  Cette route maritime est également empruntée par des navires marchands de plus de 200 000 tonnes, interdits dans le détroit de Malacca.

Les Etats Unis d’Amérique et l’Australie ont installé d’importants moyens pour contrôler l’accès à l’océan Indien par le détroit de Balabac, au sud de l’ile portant le même nom. L’alliance militaire passée entre Canberra et Washington, est renforcée par le traité de l’ANZUS établi en 1951 (Australia, New Zealand, United States Security Treat) et par le QUAD (Dialogue quadrilatéral pour la sécurité). Le Sud-Est du plateau continental de la mer de Chine Méridionale ne permet pas à l’APL d’y faire faible naviguer ses sous-marins nucléaires, le détroit de Malacca n’étant pas suffisamment profond pour rester en plongée (50 mètres et 12 mètres par endroits, et un trafic très dense de navires de surface). D’où l’importance du déni d’accès de la mer de Chine méridionale, qui doit permettre à Pékin de sécuriser la navigation jusqu’aux failles relevées sur les cartes bathymétriques.

Côté Pacifique, la Chine peut être contrainte depuis la mer des Philippines par les sous-marins américains dissimulés en eau profonde. Elle est également contrainte par les implantations militaires et la présence américaine en Corée du Sud et au Japon, en mer de Chine orientale. Elle pourrait être contrainte depuis l’Australie dans les mers du sud au-delà de la ligne des 9 traits, et par la base américaine de Diego Garcia au sud des Maldives dans l’océan Indien. L’Axe de navigation Guam/Diego Garcia emprunté par les sous-marins nucléaires de l’US Navy peut être aussi utilisé par les sous-marins de l’APL via le passage de Beshi entre Taïwan et Luzon. Evitant ainsi les routes sous-marines du détroit de Balabac, et la navigation de surface du détroit de Malacca ou du passage de l’ile de Sangiang.

Les crispations australiennes, japonaises et françaises

L’inclusion de l’APL dans toute la mer de Chine méridionale, la suspicion d’asymétrie d’informations au sujet du foyer  pandémique de la COVID 19, ont considérablement modifié les relations entre Canberra et Pékin. Froid diplomatique accentué par l’interdiction faite de l’Australie  à l’équipementier Huwai pour  la  5G sur son territoire, et suite à la  rupture par l’Etat fédéral,  du contrat portant sur l’accord entre l’Etat de Victoria  et Pékin dans le collier de perles (BRI),  ainsi que par les déclarations du  secrétaire d’Etat aux affaires intérieures, Mike Pezullo.

La mer de Chine orientale n’est pas en reste, comme le démontre l’APL par des agissements autour des îles japonaises Sankaku (Sankaku Island). La Chine y déploie des techniques de harcèlements psychologiques dont elle maitrise parfaitement, afin d’affaiblir et de démobiliser ses adversaires. (Technique de démotivation pour amener l’adversaire à accepter le fait accompli sans combattre). C’est ainsi que s’exprime Le ministre Japonais de la défense : « Pékin ne cesse de faire monter la pression autour des îles Senkaku, contrôlées par le Japon, en y envoyant régulièrement des navires de sa garde côtière et/ou de sa milice maritime »

C’est dans ce contexte,  que le SNA Emeraude a traversé la mer de Chine méridionale en  février dernier, (Annoncé par le Ministère des armées le 09.02.2021). Peut-être aussi pour démonter la dextérité des submersibles du groupe français engagé dans une bataille commerciale au sujet du contrat des sous-marins australiens. L’incursion du SNA en mer de Chine coïncidait avec un déplacement d’officiels français et la direction Naval Group, en proie à une attaque informationnelle orchestrée depuis l’Australie. Nul doute que ce séjour dans des eaux revendiquées par la Chine, aura été une démonstration d’opportunité permettant de démonter les capacités des sous-marins du groupe.

On constate une modification tangible des relations entre France et Chine depuis 2017 comme le démontre cet évènement Emeraude (important par le symbole que représente un SNA). Cette même année, Paris qui fût signataire du Traité d’amitié et de coopération en Asie du Sud-Est, évoquait encore le règlement pacifique des différends, le respect de l’intégrité territoriale, et la renonciation à la menace ou à l’usage de la force, principes fondamentaux que la France défend activement, contre  la volonté de Pékin de rabattre les cartes dans sa zone géographique. Y compris le droit de la mer qui permet à des navires militaires étrangers  de naviguer  de manière pacifique  à proximité d’autres territoires.

Des frontières contestées et variables 

Les frontières peuvent ne pas être aussi clairement définies selon le prisme culturel et historique d’où on les regarde, comme nous le rappellent Isabella Damiani et Victoria Bachelet. Elles nous éclairent sur les différentes représentations en fonction des angles de vue. Google adapte les cartes et les frontières aux représentations souhaitées localement par chaque pouvoir étatique. Les zones disputées sont nombreuses, la plus connue étant Taïwan, puis la mer de Chine méridionale qui inclut les récifs à l’intérieur de la ligne des 9 traits au-delà du plateau continental.

Sur le continent, il existe aussi de nombreux territoires avec des divergences de point de vue, qui peuvent conduire à des manœuvres du « fait accompli »  et d’abus de pouvoir de la Chine ou d’une autre  puissance dominante locale. Par exemple, l’Askai Chine est contestée par l’Inde et la Chine, alors que le territoire est occupé par l’APL. L’Arunachal Pradesh est administré par New Delhi mais revendiqué par Pékin, et plusieurs microterritoires dont Demchok, sont ainsi inclus dans le conflit entre l’Inde et le Paskitan, (Kaurik, Pulam Sumda).

Les frontières actuellement disputées entre la Chine et l’Inde sont affichées en pointillé par Google sur les sites chinois et Indiens, et comme parties intégrantes du territoire administré par Pékin sur le site Google chinois. Il existe aussi une dissemblance avec la frontière la Corée du Nord.

Belt and Road Initiatives, les routes maritimes : accroissement d’influence par cercles 

Initié par le président Hu Jintao en 2003, le collier de perles et les implantations militaires de la marine de guerre chinoise sont intimement liés le long de la route de la soie (BRI). La présence l’APL s’inscrit dans le cadre d’un corridor maritime sécurisé. Ce corridor permet le désenclavement de l’accès par la mer de Chine Méridionale, afin de sécuriser les approvisionnements énergétiques et les exportations.

La Chine entend ainsi remettre en cause l’équilibre et l’ordre régional dominé par les Etats-Unis d’Amérique. L’une des tactiques dans la grande stratégie du second « collier de perles » (Consonance exotique de BRI) consiste à racheter, construire ou obtenir des concessions d’installations portuaires et aériennes et d’autres infrastructures (ponts,…) pour une durée déterminée ou indéterminée, dans une vaste zone géographique  allant des ports chinois au détroit d’Ormuz, en passant par les côtes orientales de l’Afrique (détroit de Bab-El-Mandeb) via les rives de l’Océan Indien puis jusqu’en méditerranée notamment en Grèce et en Italie.

Pékin a mis en œuvre le verrou de la mer de Bangale pour contrer son plus grand rival régional : l’Inde. Etablissement d’une relation et d’une « coopération » étroites avec la Birmanie, notamment par la construction de la base navale sur l’île de Coco, et du port de Kyaukpru sur la côte Ouest Birmane. Au nord, la concession du port de Chittagong au Bangladesh, et celui de Hambatota au Sri-lanka sont entre les mains de la China Merchants Port Holding pour une concession de 99 ans. China Overseas Port Holding bénéficie d’une concession de 40 ans sur le port de Gwadar au Pakistan. Grâce à son initiative de 1 000 milliards de dollars « une ceinture, une route », la Chine soutient ces projets dans des pays en développement et stratégiquement situés, souvent en accordant d’énormes prêts à leurs gouvernements. En conséquence, certains de ces pays sont endettés, les laissant encore plus fermement sous la coupe de la Pékin.

BRI est une initiative opaque qui n’est nullement dirigée dans une optique multilatérale mais pour servir les intérêts de Pékin, comme le démontre le faisceau d’indices ci-dessous.

Le premier cercle maritime de la BRI en Asie du Sud-Est : conforter les marches de l’empire

Cambodge

Sihanoukville est totalement investie par les capitaux et les touristes venus de Chine. Le seul port en eau profonde est tenu par une entreprise chinoise d’Etat pour une durée de 99 ans.  Sa situation stratégique permettrait de sécuriser les approvisionnements (Importation des matières premières en direction de la Chine / exportation de marchandises en direction du reste du monde) via le projet pharaonique du canal de Kra en Thaïlande, à l’Ouest de Sihanoukville.   A l’heure actuelle, le canal de Malacca et celui de Balabac (pour les navires de plus de 200 000 tonnes) sont empruntés pour réaliser ces transports par voie maritime. La situation géographique de Sihanoukville permettrait d’ériger un port militaire. Toute cette partie de la côte cambodgienne est sous le joug de l’empire du milieu.

Les capitaux chinois de toutes sortes ont dépossédé une partie de la population de leurs territoires, des infrastructures sont bâties (Aéroport, Hôtels, golfs, casinos, …)  par des sociétés et du personnel de nationalité chinoise. La « colonisation » d’une partie des infrastructures du Cambodge permet à la Chine d’écouler ses énormes stocks inutilisés de matières premières de construction. Le Cambodge, troisième économie la plus faible de l’ASEAN (Association des nations d’Asie du Sud-Est), est de plus en plus dépendant de la Chine. Pékin qui est le plus grand pourvoyeur d’aides, d’investissements et de prêts, finance 45 % des investissements étrangers et détient 49 % de la dette extérieure brute du pays.

Le tourisme d’une classe moyenne venue de Chine a envahi la côte dans toute la région de Sihanoukville. Principalement dans des établissements construits et tenus par des Chinois. Sans aucune retombée économique profitable pour la population cambodgienne, avec de nombreuses externalités négatives (Pertes des repères culturels, impacts paysagers, mise en tension des territoires, …)

Birmanie (Myanmar)

La Chine n’a fait état d’aucun apriori vis-à-vis de la junte Birmane arrivée au pouvoir en Février 2021, elle aussi a même réfuté le terme de coup d’état, préférant celui de « remaniement ministériel » et déclarant « avoir pris note ». Pékin s’est ensuite opposé à toute résolution de condamnation par les Nations Unis.

En dépit des risques d’instabilité sociale générés par un régime que rejette le peuple Birman, ce qui semble être une contradiction, (Egard aux relations que Pékin avait entretenues avec la fragile démocratie d’Aung San Suu Kyi ces dix dernières années) Pékin applique le principe de realpolitik destiné à servir ses intérêts et à couper l’influence Américaine. Comme le précise la traduction de Cissy Zhou dans la revue « conflits » du 7 février 2021, les Etas unis ne peuvent imposer un embargo à la junte. Cela précipiterait définitivement la Birmanie vers la Chine. Ainsi Pékin a gagné la partie et n’a donc plus aucun intérêt à voir s’installer un semblant de démocratie Birmane.

Le projet du port en eau profonde de Kyaukpyu, dans l’ouest de l’État de Rakhine au Myanmar, est en passe de devenir un autre projet majeur dans le cadre de la Belt and Road Initiative (BRI). L’appel d’offres a été remporté par un consortium de 10 entreprises conduites par CITIC Group, (China International Trust and Investment Corporation), entreprise publique de fonds d’investissement détenue par la RPC, dépendante du conseil d’Etat.

Ces initiatives d’investissements font l’objet d’une communication d’Etat au sein du pays, orchestrée par des médias d’influence. Ces relais d’opinion sont généralement fondés par le PCC (Tel que  Xinhua), ils véhiculent des messages de soft power destinés à valoriser la Chine, à démontrer les bienfaits et les ruissellements d’externalités positives occasionnés sur la population locale et sur l’accès à l’éducation de toute une classe populaire. La Chine agit ainsi sur la dette du pays, sur le soutien politique au régime en place, et travaille son image pour l’acceptation par l’opinion publique.

Le second cercle maritime de la BRI dans l’océan indien et la mer d’Arabie : tentative d’encerclement de l’Inde

Bangladesh

Pays démocratique né de la cessation orientale du Pakistan en 1971, (avec le soutien militaire de l’Inde), le Bangladesh est complètement enclavé dans l’Inde. La majorité des leaders d’opposition sont emprisonnés ou en Exil. Le pays est devenu le second partenaire économique de la Chine, tandis que l’Inde figure à la 3° place. Les investissement chinois depuis les années 2010, ont fait du port de Chittagong un actif doté d’infrastructures efficaces et qui s’inscrit depuis 2016 dans une stratégie globale avec la Chine. Ce port a une position quasiment monopolistique avec 91% du volume du trafic maritime du pays. Le projet de corridor économique du Bangladesh, de la Chine, de l’Inde et du Myanmar (BCIM, à l’initiative de la Chine) s’inscrit dans cette volonté d’imposer des routes commerciales et d’influencer les politiques. La Chine était et reste un moyen pour le Bangladesh de contrebalancer la pression et la condescendance de l’Inde. Les autorités Bangladaises conscientes du risque de perte de souveraineté à trop miser sur Pékin, tentent maintenant de limiter les projets financés par Pékin. Notamment avec l’aide du Japon et de l’Inde dans le cadre d’investissement comme le port en eau profonde stratégique de Matarbari financé par la Japan International Cooperation Agency (JICA).

D’autres initiatives régionales SASEC, BIMSTEC et BBIN MVA exacerbent la compétition entre l’Inde et la Chine pour le contrôle de cette région.  L’Inde a ainsi tenté de couper l’herbe sous le pied de la Chine. Notamment en nouant des partenariats avec le Japon.

Sri Lanka

Au Sud Est du golfe de Bangale, à quelques milles nautiques de l’Inde, l’influence de Pékin est omniprésente. Comme le Bangladesh et la Birmanie, l’île fait partie de l’accord du  BIMSTEC. La Chine est le principal fournisseur avant l’Inde. Depuis les années 80 et jusqu’à la victoire des loyalistes en 2009, Pékin  avait apporté à l’armée sri-lankaise un soutien matériel militaire et diplomatique décisif pour mettre fin à la guerre civile, tandis que New Delhi se retirait du conflit après avoir soutenu les forces indépendantistes LTTE.  L’île du Sri Lanka fait l’objet de toutes les convoitises chinoises. Bien que le nouveau gouvernement démocratique socialiste sri lankais veuille maintenir une certaine équidistance entre ses deux principaux partenaires, Pékin reste le principal créancier. Le Sri Lanka doit faire face à d’importantes échéances de remboursement entre 2020 et 2025. Suite à l’aggravation de la crise financière liée à la pandémie du CODID, (

e Sri Lanka est une économie de tourisme) et en dépit d’une velléité  de souveraineté de la part du gouvernement, la Chine reste attendue comme le principal investisseur et  les passeports chinois y sont nombreux.

Maldives

A la faveur des élections de 2013, le nouveau président élu (Abdulla Yameen) opéra un important rapprochement avec l’emprise du Milieu. Financement d’actifs par des prêts généreusement consentis, construction d’infrastructures par des groupes chinois, (pont de Sinamale) accord de libre-échange et soutien au projet BRI. Profitant ainsi des relations compliquées qu’entretiennent les Maldives avec l’Inde, d’un recul de la démocratie dans les îles, la Chine investit et devient l’un des premiers créanciers du pays, accentuant son influence au sein du pays et son encerclement autour de l’Inde.

Malgré un regain de volonté pour une politique sociétale et responsable, un souci de rééquilibrage des relations entre les deux puissances régionales concurrentes, le président Solih élu en 2018 affiche clairement la volonté de poursuivre les liens économiques et les projets avec Pékin qui détient 45% de la dette totale des Maldives et 80 % de sa dette à échéance courte. En 2021 Pékin accorde un moratoire aux Maldives, pour que les 1192 îles puissent faire face à la crise liée à la pandémie.

Cette position dominante tend à s’équilibrer à la faveur des contrats de coopération que New Delhi signe avec les Maldives depuis 2 ans, (Financiers et sanitaires) mais également sur le plan militaire avec un projet de partenariat de surveillance de la Zone économique exclusive) (ZEE). Compte tenu de la situation géographique des Maldives au sud de la mer d’Arabie, d’une quasi-annexion économique du Sri Lanka et des Maldives, cet accord militaire représente un poids non négligeable de contrepouvoir pour New Delhi. Nous constatons également un rapprochement accru avec les Etats Unis d’Amérique dans le cadre du concept Indo- Pacifique qui remplace désormais celui d’Asie-Pacifique. Ce dernier concept fut jugé trop réducteur par les Etats unis compte tenu de la percée de la Chine dans l’océan indien) Ce Pays est aussi sous une certaine influence du Commonwealth depuis qu’il a réintégré l’association à la faveur de son alternance présidentielle en 2018.

Pakistan

Le port de Gawtar à proximité immédiate de l’embouchure du golfe d’Oman et du golfe Persique, constitue l’une des 12 « perles du collier », et achève l’encerclement de l’Inde. Il est stratégique parce qu’il permet de mieux contrôler la route des tankers dans la région.  Depuis 2015, il est géré par la société d’État chinoise China Overseas Port Holding Company (COPHC), dont le contrat court sur quarante-trois ans. Il génère de profonds bouleversements sous le poids écrasant de la Chine. Le pays est soutenu par Pékin (Economiquement, financièrement et militairement) depuis son indépendance avec l’Inde.

Le projet de Corridor économique Chine-Pakistan (CECP) s’inscrit dans celui d’une des routes de la soie. Le montant des investissements dans la république Islamique, s’élève à 50 milliards de dollars. Ports, autoroutes et voies ferrées liaisonnent la Chine occidentale à la mer d’Arabie via le port de Karachi, notamment par la création d’une immense autoroute à 6 voies longue de 1 100 km. Ces investissements réévalués à 62 milliards de dollars en 2021, permettent d’une part de sécuriser les échanges économiques entre les deux pays et d’autre part pour la Chine d’accéder au golfe d’Oman sans avoir à contourner l’Inde par la mer de Chine méridionale. Ils permettent de rejoindre l’Iran, nouveau partenaire stratégique, soit par mer soit par terre.  Le gouvernement d’Islamabad a été élu en 2028 sur des attentes de redressement économiques et une forte pression sociale.  Il est dépendant des créances de Pékin.

Le troisième cercle maritime de la BRI dans la mer Rouge, pénétration de l’Afrique par l’est et route vers l’Europe

Soudan

La Chine y est très présente, que ce soit au Nord ou au Sud. Elle y importe la majeure partie des ressources tirées des champs pétrolifères des deux soudans (Nord et Sud) grâce à 1 600 km de pipe-line. Projet financé par Pékin fin des années 90. Djouba tire la majorité de son PIB du pétrole. (Expédié ensuite depuis Port Soudan) Le sud est riche de nombreuses matières premières et la présence de capitaux d’Etat de la RPC afflue depuis la fragile stabilité qui semble s’instaurer à l’intérieur du pays. (Minerais et métaux dont l’or, l’argent, le cuivre, le chrome, le zinc, le tungstène, le mica et le fer). Khartoum (Nord du Soudan) a une dette pétrolière de 2,5 milliards de dollars envers la Chine qu’elle peine à payer. Cette dette est essentiellement liée aux accords de partage de production que les entités publiques soudanaises ont noué avec des entreprises chinoises.

Djibouti

A proximité de la mer Rouge, détroit de Bab-el-Mandeb, c’est un des corridors maritimes les plus fréquentés au monde, qui permet de contrôler l’accès à la Mer rouge. Djibouti constitue un point d’entrée pour l’Afrique par l’Est. La base navale chinoise est sa première base militaire extraterritoriale, (Abstraction faite des bases militaires en mer de Chine méridionale) elle est construite et dotée d’équipements tels qu’elle permettrait l’accueil de SNA, porte-avions et navires amphibies.

La RPC, en contradiction avec ce qu’elle déclarait avant l’ère Xi Jinping (Pas de projection militaire à l’extérieur) a bien une stratégie d’expansion globale.  Djibouti souhaite se transformer en base de transit des minerais et marchandise en provenance d’Ethiopie. Un projet d hub numérique y est à l’étude. La plupart des financements sont apportés par Pékin qui détient plus de 60% de la dette du pays, alors que les difficultés économiques sont en forte augmentation. La Chine est aussi le plus gros exportateur à destination de Djibouti, elle maitrise les flux dans les deux sens. La dépendance du pays est croissante.

La base militaire s’ajoute à un immense complexe multimodal et une zone franche (Chinoiseee Trade Zone de 4 800 ha) situés de l’autre côté de la baie, à Doraleh, à l’endroit où sont situés le terminal à conteneurs et le port pétrolier, financés et construits par la China State Construction Engineering Corporation CSCEC en 2017).

Les Etats-Unis d’Amérique y ont installé leur base en 2002 après les attentats du 11 septembre, ils y maintiennent 3 000 hommes. Les Japonais ont également une présence militaire. La France n’y maintient plus que 1 400 soldats sur les 4 000 que constituait le contingent il y a encore une dizaine d’années. La Chine qui comptait 400 militaires à l’ouverture (Sous couvert d’y développer sa participation aux missions de lutte contre la piraterie, de participer à des secours humanitaires et de contribuer à des opérations de maintien de la paix dans la région) a les installations suffisantes pour y projeter 10 000 membres d’ici 2026.

L’instauration d’une hégémonie économique en Afrique grâce à la BRI

Il y a de nombreux investissements chinois, notamment au travers la Bridge and Road Corporation et sa maison mère d’Etat.Cette firme a joué un rôle déterminant dans la mise en place de la BRI (Belt and Road Initiative). Par le financement des nombreux actifs nécessaires au maillage des « routes de la soie ». La CCCC (China Communications Construction Company)est particulièrement présente sur le continent depuis 10 ans. Notamment par le financement et la construction de routes, ponts, autoroutes, voies ferrées, infrastructures maritimes. L’Afrique offre ainsi à la Chine la possibilité de s’approprier l’exclusivité d’un grand  nombre de matières premières indispensables à la diversité de ses approvisionnements et au maintien de sa position dominante sur le commerce mondial. L’empire du Milieu comble ainsi l’immense déficit de matières premières au regard de son appétit et de ses ambitions.

La CCCC a des liens étroits avec l’Armée Populaire de Libération, elle participe à la construction des ilots militarisés dans la zone contestée de la mer de Chine méridionale (Récif de Subi à l’Est des îlots de Spartly, …). Elle est également soupçonnée de corruption, et plusieurs de ses filiales sont interdites en Philippine et au Bangladesh pour des affaires de cette nature. Les Etats Unis d’Amérique l’ont placé sur les listes des entreprises interdites aux capitaux de personnes morales ou physiques américaines ou ayant des activités en lien avec des entreprises étasuniennes.  

Le financement des actifs est directement versé par Pékin (Au Mozambique, 95 % du financement du pont de Maputo soit 785 milliards de dollars). L’omniprésence de l’empire du Milieu se fait sentir sur le continent africain. L’usine du monde y déverse des marchandises à bas coût, et finance l’essentiel des voies de communication : rénovation du chemin de fer Addis-Abeba – Djibouti, construction d’une nouvelle ligne ferroviaire Nairobi-Mombasa, autoroutes au Cameroun, …

En 20 ans le commerce de la Chine avec l’Afrique a dépassé de trois fois celui avec l’Inde, l’Europe et les Etats Unis d’Amérique réunis. En 2019, la Chine s’est engagée à apporter une aide complémentaire de 52 milliards d’euros. (Contre 10,9 milliards d’euros d’aide apportée par la France la même année)

Pékin est de plus en plus accusé de favoriser le recours à l’endettement, pour prendre ensuite les ressources en moyens de compensation, selon le principe dit du piège de la dette. Cette théorie est contestée par Chen Xiaodiong, ministre assistant des affaires étrangères, qui réfute toute stratégie maligne.

Le cas des Mines en Afrique

Bien que la Chine ait sur son sol des mines d’uranium, faire fonctionner 49 réacteurs au lieu de 21 en 10 ans nécessitera d’augmenter ses importations. China General Nuclear Power Corporation (CGNPC) a ouvert le 30 décembre 2016, sa mine géante de Husab, en Namibie, pour un investissement de 2 milliards de dollars (environ 1,9 milliard d’euros). Dépendante du Kazakhstan, la Chine cherche à diversifier et sécuriser ses sources d’approvisionnement. La petite mine d’Azelik est l’un des quatre sites d’extraction d’uranium du Niger exploité par des entreprises asiatiques. La Chine y détient une concession depuis 2011. La population locale se plaint depuis du manque de retombées économiques et des externalités négatives générées par ces activités. 

Outre la mine d’Azelik, Pékin s’intéresse à d’autres mines dans le pays, lesquelles restèrent chasse gardée d’Areva pendant 50 ans. « L’hiver Nucléaire » des années 2010 et la chute du cours de l’uranium qui s’ensuivit (Post Fukushima, arrêts des 45 réacteurs japonais, arrêt des centrales allemandes, moratoire sur les programmes internationaux) pourraient bien lui permettre de faire main basse sur les concessions, en prévision d’exploiter ces ressources à une date ultérieure.

Le quatrième cercle maritime de la BRI par la mer Méditerranée : pénétration de l’Europe par les pays du sud

En 2021, La République Populaire de Chine contrôle 10% de la capacité portuaire en Europe, au travers deux compagnies d’Etat : China Merchants Group Limited  ainsi que la compagnie COSCO.  Le PCC en est l’actionnaire principal. Selon le chercheur Frans-Paul van der Putten, « L’orientation politique est donc un facteur potentiellement décisif, aujourd’hui et à l’avenir, pour cette entreprise d’État. »

Port de Pirée en Grèce

A  la faveur de “l’abandon” de la Grèce par la communauté Européenne et de l’étranglement de ses finances publiques par le FMI et l’Allemagne, COSCO a signé  une concession sur le port de Pirée en 2008. L’entreprise d’Etat chinoise détient ainsi 67% du capital du terminal portuaire jusqu’en 2052. En 2016, la Grèce s’opposa à une déclaration commune de l’Union Européenne en faveur des droits de l’homme régulièrement bafoués en Chine. S’il agissait pour Athènes de mettre un veto sur une déclaration de bonne conscience de l’UE, on peut néanmoins s’interroger sur la nature des relations entre la   Chine et la Grèce.

Est-ce à dire qu’il s’agit d’un encerclement de la vie politique grecque, ou bien d’une ingérence indirecte de Pékin dans la vie politique de l’UE ? Ou d’un élément constitutif à une capacité de pression au sein de la classe politique grecque ? Ou bien s’agissait-il uniquement d’une manœuvre opportuniste du ministre Nikos Kotzias ? La même année déjà, la Grèce s’était prononcée contre un mécanisme de l’UE visant à contrôler plus rigoureusement les « investisseurs extérieurs à l’Union ». Ces questions démontrent néanmoins que Pékin a indirectement pris part aux décisions de l’UE, et que l’Europe non politique et non solidaire, celle qui oppose Etats frugaux et Etats du sud, est un cuisant échec.

En 2019, la banque Européenne d’Investissement (BEI) accorde un financement de 140 milliards d’euros à SISCO pour le coup d’envoi de modernisation du port. Ce qui revient à dire que l’Europe finance sa propre concurrence. COSCO rachète également massivement les hôtels du port de Pirée. En 2016, ces investissements dans l’hôtellerie en Europe représentent près de 10 Md$, soit 5 fois le montant de 2015.

 Le développement du port de Hambourg est affecté par le bon fonctionnement du port du Pirée que contrôle COSCO. L’Europe se trouve dans une situation où non seulement elle ne produit plus les marchandises dont elle a besoin, mais en plus, elle ne contrôle plus leur trafic. L’Europe est ainsi cannibalisée par des IDE chinois au sein même de ses territoires.

Infiltration par l’Italie : Port de Gênes

Le port s’inscrit dans les « routes de la soie », au même titre que le port de Pirée. (Trieste qui était convoité par China Merchants est passée sous pavillon Allemand in extremis après plusieurs années de négociations. La Hamburger Hafen Und Logistik ayant racheté 50.01% du capital) Pékin a su profiter d’une porte ouverte à la Chine, et de l’attitude d’un parti   au pouvoir Italien plus complaisant. Les infrastructures de Gênes sont maintenant financées à 49% par la Chine. (Association des participations financières de la China Communications Construction Company – CCCC-  et de China Merchants). Les ports de Palerme et de Ravenne ont quant à eux noué des relations commerciales avec d’autres compagnies maritimes chinoises.  «Il s’agit d’un coup diplomatique majeur pour la Chine, estime Jan Weidenfeld, du Mercator Institute for China Studies. L’Italie devient le premier pays du G7 et le premier membre fondateur de l’Union européenne à soutenir officiellement le projet One Belt, One Road.»

Les projets de Pékin en Italie ne s’arrêtent pas à de simples échanges commerciaux. Il existerait des projets de coopération encourageant ainsi  « Les synergies entre la nouvelle route de la soie et les priorités identifiées dans le cadre du Plan d’investissement pour l’Europe et les réseaux transeuropéens. » Mais également sur « la communication et la coordination » ainsi que le « dialogue politique » et sur « des normes techniques et de règlementations ». Il existe bien des accords entre la Chine et des pays d’Europe centrale, mais Pékin a bien compris le poids de l’Italie avec 76 sièges au parlement européen. Si l’on ajoute ceux des pays ayant signé des accords similaires avec Pékin, (Croatie, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Bulgarie, Roumanie, Portugal et Malte) ceux du groupe 17+1, la Chine pourra s’immiscer dans une gouvernance indirecte de l’Europe. Capacités accrues avec le Brexit.

Ces accords ont été signés sous l’égide de Michèle Géraci, alors que l’Italie du gouvernement Matteo Salvinia faisait face à d’importantes difficultés pour boucler le budget de 2019. Le pays connaissant un important déficit budgétaire et de profondes difficultés économiques. Au sein du gouvernement Italien, Michèle Géraci est responsable du commerce international et des investissements directs étrangers. Il parle le mandarin couramment, a vécu 18 années en Chine entre 2000 et 2018 dans le cadre de ses fonctions de programme de recherche sur l’économie chinoise et de professeur de finances à Shanghaï.

Terminal ferroviaire, Pirelli, clubs de football : la Chine a massivement investi ces dernières années en Lombardie, la région de Milan. Les infrastructures, l’aéronautique et les télécommunications font partie du nouveau mémorandum signé entre la Chine et l’Italie. Avec des accords signés entre le gouvernement populiste et Pékin, l’Italie est ainsi le pays d’Europe le plus lié avec la Chine et le plus exposé aux investissements de Pékin.

Autres ports en Europe

Cosco s’est emparé à 90 % du terminal de Zeebrugge en 2019 (CMA/CGM détient 10% du capital restant). L’entreprise d’Etat détient également 20% du capital du port d’Anvers, 35 % du capital du port de Rotterdam. Cosco s’est emparé du port Gdansk en Pologne (Avec le ferroviaire, la Pologne devient ainsi la première porte d’entrée de la Chine en Europe).

Au total, la firme possède 37 concessions portuaires hors de Chine. En 2019, les ports chinois constituaient 2% du taux de croissance annuelle de Cosco, contre 13% pour ses concessions des ports à l’extérieur de Chine.

L’armateur français CMA/CGM

L’armateur français CMA/CGM a réduit sa dette pour un montant de 968 M$ en cédant 49% de sa société Terminal Link, = formant ainsi une coentreprise avec la China Merchants Holdings international (CMHI). Ce qui permit à Pékin de s’implanter dans des zones alors considérées comme protégées.  Terminal Link est un des opérateurs du port de Marseille, du terminal d’Odessa en Ukraine, du CMA CGM PSA Lion à Singapour, du Kingston Freeport Terminal Ltd en Jamaïque, du Rotterdam World Gateway aux Pays-Bas, du Qingdao Qianwan United Advance Container Terminal en Chine, du Vietnam International Container Terminal à Hô-Chi-Minh-Ville au Vietnam, du Laem Chabang International Terminal en Thaïlande, du Terminal d’Umm Qasr en Irak. Cette cession d’actifs annoncée en fin d’année 2019 est présentée par l’armateur la CMA/CGM comme une opportunité d’ouverture et de croissance à l’international. Elle est en réalité une porte ouverte pour Pékin, et facilite la prise de contrôle d’une partie des actifs du leader mondial du transport maritime en conteneurs.

Le ferroviaire, une autre route en plein essor

La Pologne fût le premier pays d’Europe centrale à rejoindre la BRI. Le pays ambitionne de devenir le hub de la Chine en Europe. La ville de Malaszewicze traite environ 90% du fret ferroviaire entre la Chine et l’Europe. Belt and road Initiative concerne donc également les liaisons ferroviaires qui permettent d’augmenter le volume des marchandises en provenance de l’empire du Milieu vers l’Europe, multipliant ainsi son potentiel de croissance sur la désindustrialisation de l’Europe. Une ligne est ouverte entre le centre de la Chine et la Pologne, en passant par la Biélorussie. Les liaisons ferroviaires Chine –Europe décidées par le gouvernement de Pékin dans le cadre du projet BRI datent de 2014. Chaque année elles n’ont de cesse de prendre de l’importance. Les réseaux   passent également par le chemin de fer russe et le Kazakhstan pour augmenter les capacités du trafic. Soixante villes industrielles chinoises sont ainsi reliées à l’Europe.

Le sud de l’Europe fait également l’objet d’extension d’un réseau ferroviaire financé par des capitaux chinois: ΟceanRail Logistics, qui fait partie du groupe Cosco Shipping Group, a acquis une participation de 60 % dans Piraeus Europe Asia Rail Logistics (PEARL). L’acquisition doit permettre à Cosco d’étendre davantage son réseau de logistique ferroviaire en Europe.

Le commerce extérieur chinois est en progression. Selon les premières estimations des services des douanes chinoises en mars 2021, le commerce extérieur de l’empire du Milieu est en nette progression sur le début de l’année. Les exportations ont progressé de 38,7% quand les importations n’ont augmenté que de 19,3%.

Selon le porte-parole du service chinois des Douanes, Li Kuiwen, la croissance du commerce extérieur tient à l’organisation menée dans le pays en matière de prévention de la pandémie et au « développement économique et social ». Au final, la balance commerciale voit son excédent croître de 690% à 759 290 milliards de Yuan.

L’infiltration dans les Balkans, dans l’Europe centrale et orientale

L’initiative du groupe 16+1 créé en 2012 par Xi Jinping, (17+1 depuis 2020 avec l’adhésion de la Grèce) démontre la capacité de la Chine à user de la ruse pour arriver à ses fins, sans aucun moyen coercitif. En utilisant une théorie simple et efficace, celle de « la nature qui n’aime pas le vide ». Comme nous le rappelle François Godement, ces pays ont en effet été courtisés avec davantage de réussite au moyen d’offres de prêts. Le groupe 16+1 a été instauré au sein de l’Europe sur une initiative de Pékin, qui sut tirer profit du rapide développement économique des 16 derniers pays qui ont adhéré à l’union Européenne.

Bénéficiaires nets au budget de l’UE, ces pays contribuent ainsi à subventionner la concurrence chinoise au moyen des budgets de l’Union Européenne. Ce qui permet aux industries chinoises d’exporter massivement. Présenté par Pékin comme une coopération Sino-Européenne avec les pays du PECO, il en ressort pourtant que ce sont les exportations vers les 17 qui augmentent le plus. En 2019, l’excédent commercial de la Chine dans ses échanges avec le groupe s’élevait à plus de 45 milliards de dollars. Pékin encourage aussi à ses entreprises d’investir dans les PECO, puisque les IDE y sont (encore) beaucoup moins sensibles qu’en Europe occidentale. Le groupe 17+1 ne se limite pas aux échanges commerciaux.

La Chine promeut des liens culturels par des formats de rencontres et d’existence entre des entreprises, d’associations entre différents centres sectoriels. Si les résultats ne sont pas encore tangibles, les mécanismes existent et Pékin tente de tisser des liens aussi bien entre les administratifs que les citoyens. Liu Zuokui affirme d’ailleurs que les relations entre la Chine et les PECO doivent être impulsées par les gouvernements, mais orientées vers la société, les entreprises y compris les citoyens. 

D’un côté une démonstration d’habileté, de finesse, et de planification de la part l’empire du Milieu, et de l’autre côté, l’inopérante Europe sans projet politique ni doctrine. Peut-être exception faite de l’Allemagne et des Pays Bas. Les premiers, industriels, qui vendent les machines-outils nécessaires à la Chine, les seconds, commerçants et financiers, qui marchandent les produits chinois aux autres pays européens.

Néanmoins, le déséquilibre de la balance commerciale entre la Chine et les PECO, la position résolument atlantiste du groupe de Višegrad (particulièrement la République tchèque et la Pologne), ainsi que le projet BABS conduit par les Etats Unis (Baltique Adriatique Black Sea), pourraient modifier la perception de ces pays vis-à-vis de la Chine. La Chine est vigilante et observe ces phénomènes de rejet. Comme nous le rappelle Justyna Szczudlik  dans un article de l’Institut Montaigne, « Long Jing estime que les entreprises chinoises doivent rester prudentes et vigilantes dans ce contexte de concurrence sino-américaine croissant, et de renforcement de l’influence des États-Unis (l’UE aux abonnés absents)  sur les PECO. Et de rajouter : « Il leur faut éviter les investissements sensibles et à haut risque, mais également prévenir et atténuer les effets négatifs des bouleversements politiques en Pologne. » Les PECO étaient à l’origine une zone d’influence allemande. La présence chinoise progresse au détriment de celle de l’Allemagne dans la région.

Le 10 avril 2019, au lendemain du sommet annuel UE-Chine, le premier ministre chinois Li Keqiang mettait le cap sur Dubrovnik en Croatie, pour le sommet « 16+1 ». Dans ces circonstances, l’UE n’avait pu obtenir de consensus, tout juste une inoffensive déclaration d’intention, à l’égard de la Chine et de son expansion économique au sein de l’Europe. On mesure la difficulté de telles prises de position à l’unanimité, étant donné la contribution directe et/ou indirecte de Pékin au financement de la dette de certains états de l’UE.

D’autres pays du centre de l’Europe, candidats potentiels ou déjà candidats officiels, sont largement financés par Pékin : 39% de la dette du Monténégro, 20% de la dette de la Macédoine, ou encore la Bosnie-Herzégovine qui contracta en 2019 un prêt de 600 milliards de dollars auprès de la banque Publique chinoise d’Investissement, dans le but de financer l’acquisition d’une tranche de production thermique polluante de 450 MW à Tuzla. (Centrale thermique fonctionnant au charbon, construite par l’entreprise d’État China Gezhouba Group Corporation)

L’énergie, la dette, ne sont pas les seules prétentions de la Chine au sein de la péninsule des Balkans. Elle a noué des relations financières importantes avec Belgrade. Notamment dans l’extraction minière. Le géant minier chinois Zijin, dont le capital est détenu par l’Etat, a racheté les anciennes mines de cuivre qui furent exploitées au début des années 1920 par Creusot Loire de Bourgogne. La mine porte désormais le nom de Serbia Zijin Bor Copper. Production exsangue, dettes monumentales, outil industriel désuet, la Chine s’est engouffrée dans la brèche, a promis d’investir plus d’un milliard d’euros et d’apporter « la prospérité économique ». Une particularité : Des travailleurs chinois déplacés en Serbie, confinés à l’intérieur du site, logés et travaillant dans des conditions en dehors de toute norme Européenne. A cela s’ajoute une pollution record. 

A Drmno, ville localisée à une centaine de km à l’Est de Belgrade, une autre centrale à charbon : Des travailleurs venus de Chine payés par Belgrade au moyen de prêts consentis par la banque chinoise ExIm Bank. Les activités minières font partie du projet Belt and Road Initiative, y compris jusqu’en Europe centrale, où Pékin investit la place vide laissée par l’union Européenne. Délocalisant ainsi une partie de son activité minière la plus polluante dans les Balkans au sein même de l’Europe. En même temps, ces Etats négocient leur adhésion à une Europe qui cherche la neutralité énergétique à l’horizon 2050. Pékin est soupçonnée de soudoyer les autorités de Belgrade et finance une industrie polluante à son profit. Le piège de la dette se referme.

Le Projet d’agrandissement de Kostolac s’est fait sans appel d’offres, (523 milliards de dollars) et sans concertation avec la Roumanie (Membre de l’UE) proche et impactée par les externalités négatives du site. En Bosnie, il existe ainsi 5 autres projets industriels chinois. A chaque fois, Pékin prête aux gouvernements pour leur permettre de recouvrer les créances empruntées (Roulement de la dette), quelle que soit la pertinence des projets. Dans de nombreux cas, ce sont des entreprises chinoises elles-mêmes qui travaillent sur ces projets, de telle sorte qu’elles sont gagnantes au moins deux fois : Les intérêts de la dette, la valeur ajoutée du projet. (Sans les externalités négatives)

A contrario, les IDE sont compliqués en Chine : D’une manière générale, Pékin est plus restrictif que les économies européennes en matière d’investissements étrangers. Il y a un déséquilibre toujours important malgré le mécanisme Européen de filtrage des investissements étrangers voté par la commission Européenne en 2019. En Chine, de nombreux secteurs restent fermés aux IDE. Les entreprises d’État et les « fleurons nationaux » sont protégés (pratiques discriminatoires, pouvoir judiciaire non indépendant, application sélective des règlementations).

Il y a quelques mois encore, Pékin exigeait un transfert de technologie forcé et son système de protection de la propriété intellectuelle des IDE en Chine était parmi les plus faibles de la plupart des pays industrialisés. Il sera intéressant de se pencher et de vérifier si la loi de 2019 votée par la Chine et destinée à protéger les droits et intérêts légitimes des investisseurs étrangers est bien suivie des faits.  En outre, le pays semble décourager les investissements étrangers dans des secteurs clés pour lesquels il ambitionne de transformer les entreprises nationales en sociétés multinationales compétitives.

Le rouleau compresseur d’un expansionnisme sans complexe

Alors que la Chine a subrepticement augmenté sa puissance en créant la dépendance des nations les plus faibles avant de s’imposer sur des pans économiques stratégiques et souverains, à très forte valeur ajoutée. Une technique de séduction, puis un « hacking » économique qui lui permet d’accaparer méthodiquement toute la chaine de valeur (made by China versus made in China).  Incitation à la désindustrialisation mondiale pour créer la dépendance à la Chine, et facilitant les entreprises chinoises pour investir dans de multiples projets qui purent sembler empiriques, mais qui se tissent autour d’une architecture excessivement bien préparée. Fort d’un appareil d’Etat vertical dans une société très structurée, très motivée, disciplinée, où règnent l’ordre et un modèle de crédit social, la Chine qui fut regardée avec beaucoup de condescendance, doit être maintenant être considéré pour ce qu’elle est : une puissance rusée, qui sans guerre dispendieuse, a su développer en quelques décennies un cas d’école d’accroissement de puissance par l’économie.

La Chine : dates clés d’une réémergence politique et économique

  • 1° juillet 1921, fondation du Parti communiste Chinois (CCP) à Shangaï
  • 16 octobre 1934, début de la longue marche de Mao, qui gagne en importance avec sa doctrine militaire, et une population rurale qui adhère au mouvement.
  • 1° octobre 1949, Le PCC gagne la guerre civile contre les nationalistes (du parti Kuomintang), et devient la république populaire de Chine (Les Chinois du Kuomintang s’installent sur l’Ile de Taiwan en 1949/1950) après la prise de contrôle du pays par le PCC.
  • De 1958 à 1962, Première tentative de la Chine pour surpasser la production industrielle d’acier de la Grande Bretagne et des Etat Unis, ce qui mène à la famine des millions de citoyens.
  • Les 13 décembre 1978, Deng Xiaoping lance la politique de réformes d’ouverture vers l’extérieur. La Chine démarre son expansion économique.
  • 9 septembre 1976, mort de Mao, fin d’une ère.
  • Le 4 juin 1989, protestation sur la place de Tienanmen. Le parti communiste va réprimer toute dissidence. Le secrétaire général du PCC ( Zhao Ziyang) qui soutient l’opposition de Tiananmen va perdre sa place de premier secrétaire du parti à la suite de positions jugées libérales. Jiang Zemin devient 1° secrétaire, désigné par Deng Xiaping (Président de la République de Chine), et assume toute sa puissance notamment lors des manifestations.
  • 18 février 1997, décès du Président Deng Xiaping.
  • 1° juillet 1997, Hong-Kong revient sous juridiction chinoise, avec le statut de territoire autonome pour 20 ans.
  • Le 11 décembre 2001, adhésion à l’OMS et siège à l’organisation. L’Occident espère ainsi transformer le pays en une démocratie sur la base d’échanges commerciaux.
  • En 2003, mise en place du 1° « pare-feu » pour filtrer les opinions politiques.
  • En 2008, la Chine devient le premier pays « connecté » à l’intérieur des foyers. Prémices d’un système de crédit social.
  • En 2010, le PIB dépasse celui du Japon, la Chine devient ainsi la seconde puissance économique mondiale.
  • Le 8 novembre 2012, élection de Xi Jiping, début d’une nouvelle ère de gouvernance pour le pays.
  • En 2013, Xi Jiping met en place de nouvelles réformes de supervision du pays à des fins d’accélération de l’expansion économique.
  • En 2016, le Yuan devient la cinquième monnaie de réserve de change au Fonds monétaire international, augmentant l’influence économique chinoise.
  • 25 décembre 2015, établissement d’une banque asiatique d’investissements pour accroitre l’influence politique et économique.
  • En 2018, une loi est votée permettant de réprimer et d’envoyer des minorités dans des camps de rééducation au Xinjiang.
  • Le 11 mars 2018, révision de la loi afin de permettre au Président d’aller au-delà d’un second mandat présidentiel.
  • En 2019, le BRI (Belt and Road initiative) est inscrit dans la constitution, faisant de la route de la soie dans une action permanente. 
  • Le 28 mai 2020, une loi de sécurité nationale à Hong-Kong déclare interdit toute dissidence contre le gouvernement, permettant ainsi de poursuivre les opposants.
  • Le 1° janvier 2021, la Chine déclare vouloir éradiquer la pauvreté, pour attendre le statut de classe moyenne pour tous.
  • 1° Juillet 2021, centenaire de la fondation du PCC.

Sources

La Chine, un développement étroitement lié à sa démographie – Trendsformative

Le collier de perles chinois – Major-Prépa

Les ports, « perles » stratégiques de l’expansion chinoise

Les nouvelles routes de la soie : rêve chinois, cauchemar indien – Areion24.news

La Chine à la conquête silencieuse du Bangladesh – Le Point

d88ea58e-0924-41f8-ab93-f00502dedc2c

Coup d’Etat en Birmanie : la Chine aux premières loges | Conflits

Pakistan. Gwadar, un port stratégique pour Pékin

geoimage | Pakistan – Gwadar : un port chinois des Nouvelles Routes de la Soie d

Le « collier de perles » chinois : expansion et obstacles – FDBDA

Le pont de l’amitié Chine-Maldives ouvert à la circulation | Direction générale du Trésor

Présentation des Maldives – Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères

Pour contrer la Chine, l’Inde a inauguré un radar de surveillance côtière aux Maldives | Zone Militaire

Dans le golfe du Bengale, les corridors de la discorde, par Samuel Berthet (Le Monde diplomatique, novembre 2018)

les-nouvelles-routes-de-la-soie-dimension-indopacifique.pdf

Présentation du Sri Lanka – Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères

Représentations géopolitiques sur la Route de la Soie, une étude à l’aide de l’analyse cartographique et du traitement d’images satellites

Xinhua – chinoiseench.xinhuanet.com – Chine, Monde, Photos et Vidéos, la Une et toute l’actualité en continu

La Chine à Djibouti : une base militaire aux caractéristiques chinoises ? | ICHINOISEI – Institut chinoiseançais des relations internationales

Douter de l’impérialisme chinois? Images satellites exclusives de la «  base de défense  » de la Chine à Djibouti

Géopolitique et stratégie. L’océan Indien, nouveau centre du monde ?

Histoire de Taïwan — Wikipédia

14e plan quinquennal de la Chine – renforcer la base intérieure pour devenir une superpuissance | Mériques

La diplomatie chinoise du piège de la dette by Brahma Chellaney – Project Syndicate

Xinhua Headlines : Le port de Kyaukpyu deviendra un projet modèle dans la coopération Chine-Myanmar BRI – Xinhua | Chinoiseench.news.cn

[Infographie] La Chinoiseance infiltrée par le régime chinois | Epoch Times

Grèce: le port du Pirée officiellement sous pavillon chinois

CMA CGM | CMA CGM finalise une première transaction de cession de huit terminaux portuaires à Terminal Link pour un montant en numéraire de 815 millions USD

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Une filiale de Cosco acquiert 60 % du capital d’une entreprise grecque de logistique ferroviaire | Journal de la Marine Marchande