De la guerre à l’influence économique : petite anecdote historique

par Olivier de MAISON ROUGE

avocat, Docteur en droit.

Dernier ouvrage paru : « Survivre à la guerre économique. Manuel de résilience », VA Editions, septembre 2020

Coucher Du Soleil, Monument, Statue, Napoléon, Ville

Peser sur les évènements et décider de son avenir industriel ou commercial, tel est le souhait de tous les acteurs économiques : connaître le succès d’un produit, influencer les choix des consommateurs, anticiper l’évolution d’un indice ou d’une cotation, être la référence sur le marché, savoir en amont les changements de mode, etc.

C’est la raison pour laquelle la veille et l’influence combinées sont des actions pertinentes en matière de positionnement pour les entreprises.

Toutefois, ce stratagème n’est pas nouveau et fut même à l’origine de la fortune des Rothschild, ce qui serait aujourd’hui un délit d’initié.

L’exemple le plus topique de l’utilisation du renseignement commercial et de l’influence financière, est d’ordre privé. Cet épisode se déroule à l’occasion de la bataille de Waterloo.

Il faut se souvenir que Napoléon 1er après son exil sur l’île d’Elbe, débarque à Golfe-Juan, où débute la période dite « des cent jours ». Après avoir repris le pouvoir pacifiquement (étant passé par la route depuis lors nommée « Napoléon », évitant les armées envoyées par Louis XVIII et ralliant au passage le Maréchal Ney), il voit se liguer contre lui les monarques européens. Aussi, les batailles à venir seront-elles décisives pour le sort de l’Empire français, mais encore pour l’Europe napoléonienne.

Il en est de même quant à la suprématie économique occidentale : que l’Angleterre gagne cette guerre sur la France, et cette dernière sera isolée, sinon commercialement diminuée. Que la France batte les coalisés, et celle-ci étend à nouveau sa puissance à l’Europe continentale, tandis que Londres se voit soumise à un blocus commercial.

C’est donc à Waterloo que va se jouer la domination de l’Europe sur ce 19e siècle naissant.

Or, contrairement à ce que nous croyons savoir aujourd’hui, l’empereur des Français n’est pas donné perdant avant la bataille, dont l’issue sera incertaine jusqu’au bout.

Pressentant ce grand basculement, Nathan Rothschild, qui a déjà fait fortune à la tête de la branche anglaise de la famille (à ne pas confondre avec ces cousins français, bien qu’issus de la même souche), va utiliser toutes les ficelles du renseignement privé. Il rémunère ainsi ses propres agents de renseignements, chargés de l’informer sur le cours de la bataille. À l’époque, l’information ne circule pas aussi vite qu’aujourd’hui. Il s’offre donc un temps d’avance manifeste, par des canaux officieux.

Or, tous les financiers connaissent les méthodes de Nathan Rothschild qui se nourrit d’informations privilégiées. C’est pourquoi, une fois avisé du sort de la bataille, au lendemain du premier jour (la bataille de Waterloo aura duré deux jours), il se rend ostensiblement à la Bourse de Londres.

Là, il s’appuie à un pilier, et fait vendre ses actifs à vil prix. Tout un chacun le sachant parfaitement informé – et croyant à tort que Napoléon 1er a remporté la bataille – se met à l’imiter. Puis, avant que la nouvelle de la défaite ne parvienne in fine à Londres, il va secrètement faire acquérir tous les titres disponibles avant que ses concurrents ne se ravisent.

C’est ainsi qu’il va quadrupler sa fortune, ayant pu acheter à bas prix – et moyennant une manipulation des cours qui serait aujourd’hui sanctionnée au titre du délit d’initié – des titres dont la valeur s’est trouvée par la suite augmentée du fait de la victoire de Wellington[1].

Ainsi, à travers ce coup de génie, on constate la manière avec laquelle un acteur économique peut, par la connaissance préalable, peser sur le cours des évènements et plus largement influer sur son environnement. Ce faisant, Nathan Rothschild avait pratiqué à son avantage le renseignement commercial et l’influence économique avant qu’elles ne soient théorisées.

Pour aller plus loin :

  • LAÏDI Ali, Les secrets de la guerre économique, Seuil, 2004
  • LAIDI Ali, Aux sources de la guerre économique, Armand Collin, 2012
  • LAIDI Ali, Histoire mondiale de la guerre économique, Perrin, 2016

[1] « Comment les Rothschild firent fortune à Waterloo » sur http://www.24hgold.com/francais/contributor.aspx?article=3458932380G10020