Exclusif EPGE : les comptes-rendus d’audition du procès remporté par Jean Boustani contre le DOJ devant la cour du district-est de New-York

Agir ou subir ? A l’instar de Frédéric Pierucci dans l’affaire Alstom, Jean Boustani a subi les foudres du DOJ et a été incarcéré. Motifs : corruption, fraude et blanchiment d’argent, dans le cadre d’une vente colossale de 2 milliards de dollars de matériels par le groupe de construction navale Privinvest au Mozambique. Car l’Amérique n’apprécie pas que l’on vende du matériel à l’Afrique sans lui demander la permission… Mais soutenu par son entreprise, Jean Boustani va résister et mener un combat judiciaire contre le DOJ… qu’il va remporter !

Le procès de Jean Boustani devant la cour du district-est de New-York a duré du 15 octobre au 2 décembre 2019. Le moyen le plus simple de comprendre ce qui s’est joué devant ce tribunal est bien sûr de lire Le Traquenard, aux éditions JC Lattès (mai 2022). En complément, l’EPGE publie en exclusivité les comptes-rendus d’audition (à la fin de cet article). Ce sont des données publiques mais d’un usage malaisé, compte tenu de leur longueur : 5000 pages de PDF, sans index…

Ces documents montrent qu’il est possible d’obtenir justice aux États-Unis à condition d’en avoir la volonté. Cette grande Nation n’est pas monolithique et peut reconnaître ses torts dès lors que l’on décide de faire valoir ses droits. Pour faciliter les recherches dans cette masse d’information, le journaliste Erwan Seznec, co-auteur du Traquenard, a réalisé un sommaire par journée. Il indique également quelques passages clés du procès. Les moments à lire en intégralité seraient l’opening statement de Michael Schachter, avocat de la défense, et bien entendu, la déposition de Jean Boustani lui-même.

1 – Déroulé du procès jour par jour

15 octobre 2019 : ouverture du procès, « opening statement » de la défense

16 octobre (opening statement)

17 octobre (témoignage Andrew Pearse)

18 octobre (témoignage Andrew Pearse) 

19-20 octobre = week-end

21 octobre (témoignage Andrew Pearse) 

22 octobre (témoignage Andrew Pearse)

23 octobre. (témoignage Andrew Pearse)

24 octobre (témoignage Andrew Pearse)

25 octobre (sidebar conférence + témoignage Wendy Spaulding

26-27 octobre = week-end

28 octobre (témoignage « special agent » Jonathan Polonitza + début Anesh Partap) 

29 octobre (témoignage Anesh Partap suite)

30 octobre (témoignage Cicely Leemhuis)

31 octobre (témoignage Andrew Burton) 

31 octobre (et non novembre, attention, date incorrecte sur le compte rendu, témoignage Eric Baurmeister)

1-2-3 novembre  = week-end+jour férié

4 novembre (témoignage Anthony Charles English)

5 novembre (témoignage Pavel Lvov)

6 novembre (témoignage Surjan Singh) 

7 novembre (témoignage Surjan Singh suite) 

8 novembre (contre-interrogatoire Sing) 

9-10 novembre = week-end

12 novembre (témoignage Santamaria puis Jason Kaplan, de LWI Management

14 novembre (témoignage Tim Coffey et Johan Valentjin

15 novembre (témoignage Malene Mac Mahon +David Hinman

16-17 novembre = week-end

18 novembre (témoignage Okongwu et témoignage de l’amiral Bryant)

19 novembre – TEMOIGNAGE JEAN BOUSTANI

20 novembre – TEMOIGNAGE JEAN BOUSTANI  

22 novembre (« jury charge », le juge William Kuntz parle)

23-24 novembre = week-end

25/11- 01/12  = coupure du procès, semaine de thanksgiving

2 décembre 2019 : verdict, fin du procès

2 – Quelques passages importants

 Page 204 et suivantes

« Opening statement » de Me Schachter, avocat de la défense, exposant qu’il va tenter d’établir l’innocence de son client. Il souligne (p207) que Jean Boustani n’est pas poursuivi pour corruption, contrairement à ce qu’a laissé entendre le DoJ et contrairement à ce qu’ont écrit les médias, pour la plupart.

Page 251

Début du très long témoignage d’Andrew Pearse, témoin clé interrogé par l’accusation, puis contre interrogé par la défense

  Pages 1062

Passage du contre interrogatoire d’Andrew Pearse où l’on apprend entre autre qu’il avait passé un accord avec le DoJ et qu’il a vu une trentaine  de fois le procureur adjoint Bini avant le procès.

Page 3398 et suivantes : contre-interrogatoire par les avocats de Jean Boustani de Marco Santamaria, gérant de portefeuille pour Alliance Bernstein

Marco Santamaria travaillait pour la société Alliance Bernstein. Cette dernière a perdu de l’argent dans ses transactions autour de la dette mozambicaine. Toutefois, comme Santamariale reconnait lors de l’audience, ces pertes étaient liées uniquement à des reventes au mauvais moment. En conservant les emprunts quelques mois de plus, Alliance Bernstein pouvait  empocher jusqu’à 30 millions de dollars de bénéfices.

On constate aussi, en lisant son témoignage, que les fonds étaient informés des risques et de l’existence de plusieurs prêts dès 2013, contrairement à ce que prétendait le DoJ.

Page 3465 et suivantes : témoignage de Jason Kaplan, du fonds NWI

Selon le Département de la Justice américain (DoJ) le défaut sur la dette du Mozambique, causé par l’échec de la pêche au thon, elle-même plombée par la corruption, aurait fait perdre de l’argent à des investisseurs américains. Questionné par les avocats de la défense, Jason Kaplan explique que la réalité était plus nuancée. Les pecheries étaient seulement un aspect du projet vendu aux investisseurs, et un aspect secondaire par rapport aux projets liée aux hydrocarbures. Si le Mozambique s’est trouvé dans l’incapacité d’honorer ses dettes en 2016, c’est parce que la crise des matières premières a provoqué une chute de la devise nationale. En l’occurence, NWI Management a continué à souscrire à des emprunts du Mozambique jusqu’en 2018, deux ans donc après le défaut de paiement. La décision n’a pas été prise à la légère : Jason Kaplan a rencontré le président de la banque centrale, le ministre de l’économie et le ministre des finances du Mozambique, venus plaider leurs causes chez NWI, à New-York, en 2017. Aux abois, le Mozambique était contraint d’accepter des taux d’intérêts élevés, en échange d’un étalement de ses paiements. Au total, NWI, ayant prêté 70 millions de dollars, a dégagé un bénéfice net de plus d’un million de dollars en cinq ans grâce aux intérêts versés par le Mozambique, toujours selon Jason Kaplan.

Page 3748

Bref passage où l’on apprend que Kristopher kvam, attaché militaire US au Mozambique, s’intéressait au dispositif de surveillance côtière que le Mozambique voulait déployer dès 2016…

Pages 3776 et suivantes 

Interrogatoire par l’accusation de Tim Coffey, de JP Morgan Chase, visant à prouver que des ordres de paiement ont transité par les USA.

Pages 3790 et suivantes

Témoignage de  Johan Valentijn, architecte naval pour Privinvest. Description des navires 32s, Ocean Eagle et DV15 ainsi que des WP18, avec diverses précisions.

 – p 3809 : Privinvest ne fournissait pas l’armement.

 – p 3811 : à quoi devait servir la flotte.

 – p 3822 : definition des missions du Mozambique Asset Management

 – p 3825 : montée de l’insécurité au Mozambique.

– p 3827 : querelles internes mozambicaines

– p3844 : privinvest construit une base de maintenance

Pages 3898 et suivantes

Témoignage de Malene Mac Mahon, experte des systèmes de paiement. Elle a expliqué au jury comment se passent les paiements internationaux : un mouvement en dollars entre des comptes ouverts dans différentes banques, complété par un mécanisme de compensation, Quand la défense demande à Malene McMahon si un seul dollar a circulé entre le Mozambique et New-York dans cette histoire, elle répond « non », catégoriquement. Le procureur ne peut rien rétorquer, c’est tout un pan de l’accusation qui s’effondre.

Pages 3956 et suivantes

Témoignage d’un expert financier, David Hinman. Il explique  à la barre que si les emprunts mozambicains rapportent plus que les emprunts danois, c’est parce qu’ils sont plus risqués. Sur le marché de la dette souveraine, le taux d’intérêt reflète la probabilité d’un défaut de paiement. Le Danemark emprunte à 1% sur les marchés financiers alors que le Mozambique paye 6% d’intérêt. Le pays a fait défaut parce la crise des matières premières a plombé sa monnaie, pas parce qu’on a découvert un beau matin des prêts « cachés ». Parmi les souscripteurs de ces prêts, il y avait des banques mozambicaines qui connaissaient la réglementation et l’état d’endettement du pays.

– p 3963 : commentaire du même expert sur la confiance dans la croissance mozambicaine dans les années 2010-2013.

  • p 3967 : description détaillée du schéma de la dette, toujours par Hinman.
  • p 3987 : l’expert explique que les investisseurs expérimentés connaissaient forcément le niveau réel d’endettement du Mozambique. Il n’y a jamais eu de « dette cachée ».

– p 4000 : les profits de Morgan Stanley

  • p 4002  : même après le défaut de paiement, la dette mozambicaine était un placement hyperrentable.

Pages 4040 et suivantes

Témoignage de Chudozie Okongwu, du cabinet NERA Economic Consulting. Il explique à la barre que le FMI était au courant dès le début, rien ne lui a été caché. Quand la crise des matières premières est intervenus en 2015, le FMI et les agences de notation ont conclu que la conjoncture internationale sapait la capacité du Mozambique a rembourser les emprunts ProIndicus, Mam et Ematum.

Page 4113 et suivantes : interrogatoire par la défense de l’ancien amiral US Stanley Bryant.

Après ses 37 ans dans la Navy, l’amiral Bryant a travaillé pour deux des plus grands fournisseurs de la défense, Raytheon et Lockheed-Martin. Il est ancien pilote de l’aéronavale, ancien commandant de porte-avions nucléaire, vétéran du Vietnam. Stanley Bryant a attesté que Privinvest avait livré le matériel promis, sans surfacturartion, et que la qualité était au rendez-vous. Les contrats signés par le Mozambique ne portaient pas sur de simples livraisons de matériels. C’était du « turnkey », c’est à dire du clé-en-main. Le prix comprenait des navires, des drones et des radars, mais aussi l’installation, les paramétrages, les tests, la formation, la maintenance, et d’autres prestations qui expliquaient les prix sans difficulté. Sans parler des transferts de propriété intellectuelle. Il dit que le choix des navires commandés lui semble également cohérent avec les nécessités d’une « défense en profondeur ». Le Mozambique avait besoin de quelques navires très rapides, capables de se projeter loin des côtes, et de navires plus nombreux, destinés à des patrouilles rapprochées. En terme de taille, de vitesse et de nombre, Privinvest avait fourni à son client exactement ce dont il avait besoin.

Page 4161

Début de la déposition de Jean Boustani

Page 4814

Début d « Jury Charge »

Page 4818

Extrait du « Jury charge », le gouvernement US est un justiciable comme les autres…

Page 4821

Rappel de la présomption d’innocence, de la charge de la preuve, « superseding indictment » / « reasonable doubt ».

Page 4835

Extrait du « Jury charge », les témoins qui ont passé un accord avec le DoJ sont susceptibles de mentir.

Page 4839

Extrait du « Jury charge », résumé des charges contre Jean Boustani

Page 4848

Extrait du « Jury charge » avec définition de la « wire-fraud »

Page 4855

Autre extrait du « Jury charge » L’accusation doit prouver que le crime a été commis dans le eastern district pour justifier de la compétence du tribubnal

Page 4859

Extrait du « Jury charge », résumé détaillé de la conspiration

Page 4876

Définition du délit de « money laundering conspirary »

Page 4977

Verdict, « not guilty ».

Bonne lecture.