N’oublions pas la leçon…

par Christian Harbulot

N'oublions pas la leçon... - publication Cercle K2



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La crise provoquée par la covid-19 crée une situation inédite dans notre histoire. Elle remet en question une vision libérale et mondialisée qui nous sert de grille de lecture depuis la fin des années 60. La question de la souveraineté industrielle semble redevenir une interrogation pertinente dans certains domaines-clés, du moins est-ce l’annonce faîte par Emmanuel Macron.

La résistance à tout changement de cap

Dans le passé, l’URSS a servi de ciment au monde occidental. Sa mort en tant qu’empire idéologique et ennemi potentiel restaura progressivement la nature historique ancienne des rapports de force entre puissances : à savoir la recherche de suprématie sur les marchés stratégiques, l’accès aux ressources et la domination technologique par des liens de dépendance durables.

La fin de la guerre froide a débouché au bout d’une décennie sur un monde en crise fortement perturbé par les nouvelles formes de compétition économique. C’est dans ce contexte que la notion de patriotisme a failli renaître de ses cendres. Entre 1993 et 1995, le nouveau chef du gouvernement, Edouard Balladur se sensibilisa à cette idée en reprenant le dossier mal engagé des négociations du GATT, afin de sauver ce qui pouvait l’être concernant les intérêts français. Afin de mieux cerner les tensions économiques, il décida de créer un comité Compétitivité et Sécurité économique qu’il présida[1]. Mais les grands patrons français conviés à siéger à ce comité ne surent pas donner à ce nouvel instrument un contenu stratégique crédible. A l’époque, une partie de la haute administration était  très réticente à un tel changement de cap.

La nécessaire prise de conscience

La crise du covid-19 nous rappelle que la survie d’une population sur un territoire donné est un intérêt vital. Une telle approche souligne les imperfections de la définition des « intérêts stratégiques » ou des « infrastructures critiques » validée par la Commission Européenne. Elle autorise une réflexion sur la manière de préserver notre avenir.

A la fin des années 60, la volonté exprimée par le général De Gaulle de donner à la France une autonomie stratégique n’a pas été comprise et a entraîné une perte de sens sur les questions cruciales révélées par la crise actuelle :

  • la limitation de la dépendance économique,
  • la relocalisation d’activités vitales,
  • une approche opérationnelle de la guerre économique au sens de l’intérêt général
  • la prise en compte de la notion de résilience dans notre manière de penser le développement.

Il se dessine aujourd’hui une nouvelle ligne de fracture entre les demandes incontournables de marchés intérieurs de la taille de la Chine et de l’Inde et la survie de l’économie des territoires d’un certain nombre de pays occidentaux. Plus globalement, l’évolution du rapport de force entre les économies émergentes et le monde occidental va servir de balancier entre la mise en place de nouvelles barrières réglementaires à l’entrée et des politiques d’ancrage territorial.

La loi du marché remise en cause par la confrontation de puissances

Si les relocalisations restent encore des exceptions, des pays privilégient de plus en plus la création d’activités sur leur territoire afin d’éviter la désertification et les risques d’insécurité qui en découlent. Cette tendance ne remet pas en cause la mondialisation. Elle souligne la grande difficulté à harmoniser les besoins des uns et des autres. La Chine communiste affiche désormais des prétentions de puissance qui bousculent l’image rassurante qu’elle nous donnait d’elle même au cours des dernières décennies. Le débat qui s’installe au sein d’un certain nombre de démocraties sur les failles du « modèle chinois », révélées par la crise du covid-19, n’est pas à prendre à la légère.

La recherche du profit à court terme sur le marché chinois est menacée. Sous Mao Tsé Toung, la Chine communiste combattait le capitalisme. Sous Xi Jiping, elle veut conquérir le monde. Les tenants et les aboutissements d’un tel rapport de force doivent nous faire réfléchir. La grille de lecture du village planétaire est désormais insuffisante. Il faut en appliquer d’autres et vite.


[1] Le fait que le Premier ministre préside un tel comité était un message fort.