L’état de la France dans l’UE

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par Nicolas Ravailhe

Un décrochage économique endémique

Plusieurs données témoignent d’un décrochage économique de la France comme de ses territoires.

Avant même, avant l’apparition de la crise sanitaire, à l’exception de l’Ile-de-France, toutes les régions françaises avaient vu leur PIB par habitant devenir inférieur à celui de la moyenne des territoires européens (source Eurostat).

Certes, des distances avec les explications données dans les institutions européennes. Des « manipulations » – notamment à travers le semestre européen – sont possibles pour orienter vers les cessions d’actifs de l’Etat et des affaissements de nos moyens d’intervention économique. EDF serait la prochaine cible d’un démantèlement sur fonds d’ingérence européenne. 

Ce type de recommandations est souvent opéré sur fond de pensées économiques néo & ordo libérales intéressées en dehors de nos frontières. Néanmoins, on ne peut pas nier l’existence d’un problème français dans l’UE.

En effet, faute d’avoir compris les réalités compétitives du marché intérieur européen, comme celles des relations commerciales de l’UE avec les pays en matière de commerce – elle en a la compétence exclusive – ; faute d’avoir mis en place un programme d’intelligence économique au niveau national et dans les territoires, la France connaît une situation unique en Europe.

La France doit payer plus

A l’instar des Etats du nord de l’UE, la France est un contributeur net au budget de l’UE mais contrairement à eux, notre pays ne retrouve pas « sa mise » en raison d’un commerce extérieur ultra-déficitaire dans le marché intérieur européen.

A l’opposé des Etats du sud et de l’est, la France ne bénéficie donc pas de la solidarité européenne. Toutefois, elle partage avec ces pays une situation de dépossession économique opérée par le nord de l’UE. 

Cette situation d’isolement de la France « perdant dans les échanges commerciaux – perdant dans la contribution budgétaire » explique, depuis des années, l’incapacité à trouver des alliés pour créer une gouvernance économique davantage intégrée dans l’UE.

Plus récemment, les négociations sur le plan de relance européen en réponse à la crise sanitaire de la COVID et le budget pluriannuel européen 2021 – 2027 ont augmenté fortement – effet du Brexit aidant – la contribution budgétaire de la France.

Faute de ressources européennes (taxe GAFA…), les Etats devraient continuer à verser « au pot commun ». A titre d’exemple, sur les 40 milliards d’euros du plan de relance reçus, la France devrait contribuer en Europe à hauteur de 67 milliards. En outre, les contribuables en France payeront aussi 700 millions d’euros pour les rabais négociés par les Pays-Bas et l’Allemagne.

Il en ressort une situation intenable qui menace le pacte social en France tant le déficit commercial – bien plus encore que la contribution au budget européen – est la cause des difficultés à financer la santé, l’éducation, la sécurité, la recherche … dans notre pays.

Les nuages s’accumulent sur l’Union Européenne

A terme, le projet européen pourrait être également affecté si la France se « cabre » brutalement. Les conséquences en seraient bien plus fortes que celles engendrées par le Brexit. Les britanniques ne quittent pas l’euro, ni Schengen, ni même la Charte des droits fondamentaux, ni totalement la PAC avec le chèque de retour et ils négociaient un « opt out » dès qu’une législation européenne ne leur convenait pas. Selon leur expression, ils « s’émancipent » principalement du budget européen et des accords commerciaux internationaux.

Ainsi, incompréhension et déni des réalités européennes plongent la France dans des guerres internes entre les « pour » ou « contre » l’UE au lieu d’agir sans « silos » et ensemble sur notre incapacité à juguler les 30 millards d’euros de déficit commercial dans l’UE et les plus de 30 milliards d’euros de déficit avec la Chine, déficits structurels reproduits année après année.

L’abandon de la notion « d’autonomie stratégique » 

De surcroît, il est illusoire d’attendre une réaction forte de l’UE en matière de souveraineté économique européenne. En particulier face à la Chine, la réaction européenne est faible étant donné la convergence d’intérêts entre l’Allemagne, puissance exportatrice, et les Pays-Bas qui importent pour revendre ailleurs dans le marché intérieur. Des investissements chinois bien ciblés dans plusieurs Etats européens achèvent la démobilisation.

De plus, les Etats membres viennent de décider l’abandon de la notion « d’autonomie stratégique » dans le cadre du programme InvestUE. Certes, une timide initiative « recovery et resilience » demeure pour quelques secteurs.

Outre appeler à une négociation beaucoup plus efficiente avec nos partenaires / concurrents européens afin de rééquilibrer cette situation économique dévastatrice, sans attendre, il est urgent d’adapter le pays et d’accompagner ses décideurs économiques publics et privés face aux enjeux européens : mode de gouvernance, législation, normes, impacts technologiques et financements européens. Telles sont les premières causes des pertes d’activités économiques en France. Nous sommes tous concernés.

De plus, l’Europe a maintenant pour priorité la transition numérique et la transition écologique et une « touche » de résilience. Cela englobe tous les secteurs économiques. 

Sortir de la nasse

Depuis des années, Français en « première ligne » dans les institutions européennes, nous sommes exhortés à la patience en taisant les tensions européennes. Il fallait protéger le projet européen de « manipulations anti-européennes ». Par le truchement des « fake news » et de leurs instrumentalisations, cette approche perdure. Idem à propos d’un supposé défaut de communication pro – UE qui serait responsable de la désaffection envers l’UE, notamment dans l’Hexagone.

La réalité est autre. Sur un plan économique et social, la France décline quand les autres Etats vont plutôt bien ou mieux avec l’UE.

La délocalisation de l’usine Bridgestone située dans le Pas de Calais vers une usine polonaise qui a perçu plus de 24 millions d’euros de fonds européens illustre un processus qu’il faut dénoncer et stopper.

A noter que dans un marché intérieur sans barrières douanières, la concurrence inique mais légale engendrée par cette opération contre d’autres usines françaises ou européennes de groupes industriels du secteur est tout autant préoccupante. A défaut de mettre un terme à ces processus, il est temps de réaliser que la captation des fonds européens dans l‘Europe de l’est et du sud avant des concurrents européens, ou de pays tiers, est une priorité pour rechercher des relais de croissance et sauver l’emploi dans nos territoires. L’Allemagne et ses Landers ont tiré un grand profit de ces dispositifs.

Pour sortir notre pays du marasme économique et social et l’Europe d’une possible implosion, nous devons parler ouvertement et mobiliser largement. 

Voir les cartes explicatives sur le PDF :