La dimension économique des jeux d’influence en Libye

La Libye épinglée sur la carte avec drapeau - Photo

Fiche réalisée sur la Libye par un groupe de la SIE26 de l’EGE sous la direction de Christian Harbulot. Ce travail de documentation s’inscrit dans le cadre de la réflexion menée au sein du CR451 sur le concept de prédation économique.

Colonisée par l’Italie de 1911 à 1947, puis partiellement occupée par la France et le Royaume-Uni, la Libye[i] obtient officiellement son indépendance le 24 décembre 1951 et devient une monarchie sous le règne d’Idriss Ier. Elle est alors le premier État nord-africain à obtenir son indépendance. À la suite de cela, le gouvernement libyen intégrera la Ligue arabe (1953) et multipliera les accords – notamment militaires – avec le Royaume-Uni (1953) et les États-Unis (1954), permettant à ces derniers d’implanter sur le territoire libyen des bases militaires. La Libye rejoint ensuite les Nations Unies en 1955. Cette intégration marque le point de départ du début des forages de « l’or noir » sur le territoire, effectués par les puissances étrangères via des filières libyennes (Libyan American Oil, Esso Standard Libya).

En 1969, Mouammar Kadhafi, alors jeune capitaine de 27 ans, se proclame colonel et instaure la République. Mais, il n’occupe plus aucun poste défini par la Constitution dès 1979 et gouverne alors sous le titre de « Guide de la révolution ». La Libye kadhafiste, soutenant des mouvements armés et guérillas, fait réagir la communauté internationale et notamment les États-Unis, dont les relations sont déjà conflictuelles.

Cependant, les relations internationales tendent à se normaliser dans les années 2000 et se galvanisent autour d’un ennemi commun : le terrorisme. Des accords commerciaux et sur le contrôle de l’immigration permettront également l’amélioration de ces relations. 

Lors du Printemps Arabe de 2011, les mouvements de protestations des pays frontaliers gagnent Benghazi, deuxième plus grande ville de Libye et berceau historique de l’opposition au régime. Si Benghazi et plusieurs autres villes de la Cyrénaïque tombent vite entre les mains des insurgés, Tripoli reste en proie aux affrontements. Dès la fin février, les insurgés – annonçant la formation d’un gouvernement provisoire – reçoivent le soutien de puissances occidentales. Le 19 mars 2011, en accord avec la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies, une intervention militaire aéronavale est déclenchée par la France : l’opération Harmattan. Suivie par le Royaume-Uni et les États-Unis, appuyés par l’Italie, elle a pour objectif d’établir une zone d’exclusion aérienne et de protéger les populations civiles contre les bombardements. Le conflit se durcit de mars à août 2011, les insurgés gagnent progressivement du terrain jusqu’à faire fuir Kadhafi après la prise de son quartier général à Tripoli. Ce dernier sera capturé puis tué par les rebelles dans sa ville d’origine de Syrte.

La période qui suit cette première guerre civile se caractérise comme un échec de la transition démocratique. La chute de Kadhafi est marquée par la disparition de tout pouvoir fort et les nouvelles autorités peinent à s’imposer face aux milices armées datant de la révolution et souvent d’origine tribale. Deux gouvernements se disputent alors la légitimité : celui de la Chambre des représentants, à Tobrouk, et celui du Congrès général national, à Tripoli. Ce dernier demeure, cependant, le seul à être reconnu par la communauté internationale. Le territoire libyen reste alors parcouru par une guerre entre clans régionaux et tribaux qui dessine les trois ensembles historiques : le Fezzan au sud, la Cyrénaïque à l’est et la Tripolitaine à l’ouest.

Jusqu’en 2016, l’actualité libyenne est marquée par la violence et l’instabilité politique, pesant directement sur la population. Parallèlement, elle est également affectée par la présence croissante des milices islamistes sur le territoire, illustrée par l’implantation de l’État Islamique (EI) en 2014-2015, ainsi que par de nombreux problèmes liés à l’immigration et à la traite d’êtres humains. Grâce au soutien des Occidentaux, le Gouvernement d’Union Nationale (GUN) de Fayez el-Sarraj s’installe à Tripoli pour faire face à l’urgence de la situation en Libye et à la progression de l’EI. Cependant, aucun consensus n’est trouvé avec le chef de l’Armée Nationale Libyenne (ANL) le maréchal Khalifa Haftar, et chacune des forces en présence multiplie les contacts et alliances avec des puissances extérieures. Malgré tout, un cessez-le-feu permanent parvient à être signé le 23 octobre 2020.

Le 5 janvier 2021, les différentes parties prenantes du conflit en Libye s’accordent lors du Forum de dialogue politique libyen, parrainé par l’ONU, sur un nouveau conseil présidentiel dirigé par Mohammed el-Menfi et un nouveau gouvernement dirigé par Abdel Hamid Dbeibah fin 2021.

Cependant, la situation se tend à nouveau dès 2022, où des actions violentes éclatent, laissant la situation sécuritaire se dégrader jusqu’à l’été 2022. Aujourd’hui encore, la bicéphalie politique qui règne en Libye entre Tripoli et Tobrouk paralyse l’action publique dans le pays. Outre la léthargie économique liée au blocage des infrastructures pétrolières, la situation met en péril la population libyenne. Cette politique duale libyenne s’exprime également à travers la politique étrangère, ce qui donne lieu à de véritables jeux d’influence intégrant une forme de prédation économique face à laquelle l’action diplomatique internationale semble peu efficace.

Différents types de jeux d’influence de puissances

La guerre menée contre Mouammar Khadafi en 2011 a modifié radicalement la nature des rapports de force intérieurs et extérieurs dans ce pays. Les problématiques géopolitiques anciennes sous-tendues par la disparition des empires coloniaux européens sont remises en cause par de nouvelles logiques de puissance régionale. Aux terrains d’affrontement résultant de la guerre froide s’ajoutent des visées expansionnistes de plusieurs puissances qui cherchent à accroître leur influence dans ce pays en crise.

La Turquie

En quête d’autonomie énergétique, Ankara cherche à devenir un hub en la matière et fait du contrôle des ressources libyennes un objectif majeur de sa politique étrangère. En octobre 2022, la Turquie et la Libye ont signé un accord de prospection d’hydrocarbures dans les eaux libyennes.

La Libye constitue un laboratoire d’expérimentation pour l’implantation de la puissance turque. Murtaza Karanfil, chef de la représentation libyenne de l’association des industriels et hommes d’affaires indépendants (MUSIAD) et président du conseil d’administration du groupe Karanfil, a déclaré qu’« il y a l’Afrique, le continent intact que le monde entier regarde, et il est possible d’étendre notre domination sur ce continent à travers la Libye. Il nous sera plus facile de nous étendre de la Libye à l’Afrique centrale, orientale et occidentale en approfondissant notre relation vieille de quatre siècles ». Le département Libye du Conseil des relations économiques extérieures (DEIK), dont Murtaza Karanfil est le président, joue un rôle central. Le DEIK vise à accompagner et améliorer les relations économiques, industrielles et financières de la Turquie avec d’autres pays.

Les ambitions stratégiques en matière économique de la Turquie ont été le corollaire de l’intervention militaire en Libye. En effet, le pays d’Afrique du Nord représente un débouché important pour les produits turcs mais également un marché important pour les entreprises de construction turques, déjà très présentes avant la guerre. Les entreprises du BTP turques – Doğuş, Güriş, Enka, Nurol, Metiş, Tekser et Yüksel İnşaat – sont parmi les plus actives en Libye. La Turquie espère bien mettre en œuvre les contrats signés avant la guerre de 2011, gelés depuis, qu’elle estime à 18 milliards de dollars. Comme l’explique Jalel Harchaoui « dans les années 2000, avec l’argent du pétrole, la Libye a lancé de grands projets de construction et d’infrastructure. Les Turcs en ont été les premiers bénéficiaires ».En Libye, Ankara a suivi un double objectif : contrer les ambitions nationales du maréchal Haftar et s’enraciner durablement dans le pays pour se positionner en puissance régionale. Pour atteindre cet objectif, la Turquie mise sur une présence militaire (bases, programmes de formation, infrastructures) et la multiplication de nombreux contrats[ii]. Deux accords militaires ont été signés[iii] en octobre 2022. Selon le communiqué du gouvernement Dbeibah, le premier accord porte sur l’amélioration des capacités de l’aviation militaire de Libye. Quant au second accord, il comprend plusieurs conventions de mise en œuvre des accords précédents signés en 2019 par le gouvernement Sarraj.

Dans cette même logique d’assise sur le territoire libyen, un accord de délimitation maritime avait été conclu en 2019 avec le gouvernement d’union nationale (GNA) permettant à Ankara de faire valoir des droits sur de vastes zones en Méditerranée orientale, au grand dam de l’Union européenne et de la Grèce. Trois ans plus tard, le 3 octobre 2022, un accord de prospection d’hydrocarbures dans les eaux libyennes a été signé entre les deux pays, accroissant de fait l’emprise étrangère sur les matières premières de la Libye.

La Russie

De son côté, la Russie ne veut pas prendre le risque de « froisser » les Turcs et adopte une forme de pragmatisme sur ce territoire, moins vital à leurs yeux que la Syrie. Elle profite cependant de la déception de la Turquie envers les décisions de l’Occident dans la région pour appuyer toutes actions de nature à déstabiliser l’OTAN qui pourraient lui permettre de bénéficier des ressources énergétiques de la Libye.

Moscou, dans sa volonté de renouer les contrats énergétiques gelés à la suite de la chute de Kadhafi, use également de la Libye comme d’un tremplin stratégique, ce qui explique son rapprochement progressif depuis 2008 comme elle l’a déjà fait dans de nombreux pays d’Afrique ces dix dernières années. En se positionnant comme un partenaire de choix aux yeux de la Libye, par la vente d’armes et de céréales, la Russie cherche à accroître son influence dans la région au même titre que les autres puissances. Le positionnement économique de ses propres entreprises énergétiques sur le territoire libyen la pousse cependant à adopter un positionnement plus mesuré. La Libye représente donc aux yeux de la Russie un véritable jeu d’équilibre entre leviers économique et géopolitique afin de s’insérer dans l’ensemble des prédations étrangères déjà existantes.

Enfin, la présence du groupe Wagner et de ses mercenaires dans le pays est problématique. Cette Société Militaire Privée (SMP)[iv], mandatée par le maréchal Haftar pour l’épauler dans sa campagne de 2019 en Tripolitaine, profite de ses positions dans le pays pour assurer la sécurité, et donc le contrôle, des champs pétroliers libyens. Les mercenaires de Wagner, dont les exactions contre le peuple libyen méritent d’être documentés, sont directement payés par l’ANL du maréchal Haftar, avec les deniers publics ou de l’argent émirati. Il y a toutefois eu quelques retards de paiements, comme en 2020, où l’ANL a retenu un paiement de 150 millions de dollars au motif que les mercenaires de Wagner n’avaient pas eu l’efficacité escomptée. Ces derniers ont cependant pleinement participé aux blocus pétroliers de 2020 et 2022, organisés par le gouvernement de Tobrouk. On retrouve notamment le groupe Wagner chargé de la sécurité du champ pétrolier Sharara[v]. Wagner a également la charge de différents sites stratégiques tels que le complexe pétrochimique de Ras Lanuf, le champ pétrolier de Zillah et les ports de Zueitina et Es Sider. Au niveau de la maîtrise du territoire, le groupe Wagner s’articule principalement autour de quatre aéroports, dont la localisation reflète la géographie du conflit et des richesses en Libye : une base proche du pouvoir à Benghazi, une autre proche du front à Syrte et deux dernières proches des champs de pétrole de Huns et de Sebha. Avec son contrôle de ports et de bases aériennes, il est alors très difficile de savoir ce que le groupe de mercenaires fait entrer et sortir du pays.

L’Italie

Par son passé colonial, l’Italie occupe une place particulière dans la géopolitique libyenne, notamment à travers les avantages qu’elle a tiré de la politique pétrolière mise en place à l’époque de Kadhafi. L’Italie a adopté une posture particulièrement critique contre l’intervention française qui a abouti à la chute du régime. Depuis cet évènement, la Libye est devenue un terrain de jeu d’influence entre l’Italie et la France, par le biais des soutiens « mouvants » apportés au Gouvernement d’unité nationale (GUN) et à l’Armée nationale libyenne (ANL). La disparition du régime du dictateur libyen a permis à l’entreprise Total de réinvestir le secteur pétrolier au détriment du groupe italien ENI[vi].

Considérant la Libye comme son pré-carré historique, l’Italie a vu son influence se réduire[vii] au profit d’autres acteurs, comme l’illustre la baisse de son volume d’exportations à destination du pays africain (17 % en 2010 contre 12 % en 2021). Portée par l’espoir de retrouver un jour ses droits sur le pétrole libyen, l’Italie cherche par tous les moyens[viii] à préserver une implantation durable de ses entreprises dans le pays africain.

Sur le plan commercial, c’est la compagnie pétrolifère ENI, présente dans le pays depuis 1959, qui reste le fer de lance de l’Italie en Libye. Produisant à la fois du pétrole et du gaz, elle se distingue de nombreux autres opérateurs étrangers, ce qui lui donne un avantage important. ENI a notamment la charge du gazoduc GreenStream, un hub énergétique mais surtout stratégique pour le pays, étant l’unique voie d’exportation du gaz libyen. La visite en Libye, fin janvier 2023, de la Première ministre italienne Giorgia Meloni s’est conclu par un accord entre ENI et la National Oil Corporation (NOC) libyenne sur une production de gaz de 8 milliards de dollars visant à stimuler l’approvisionnement en gaz de l’Europe[ix].

L’Italie investit également dans les nouveaux secteurs en plein essor. Elle a, en effet, la volonté de positionner ENI comme un partenaire stratégique dans les efforts vers la transition énergétique, à travers sa collaboration avec Total pour le développement de nouvelles centrales photovoltaïques.

Au-delà du secteur énergétique, l’Italie est également présente en Libye dans les domaines du BTP ou encore des télécommunications, véritable mine pour la captation d’informations sur la population libyenne. Les entreprises CONSMED et Studio Tecnico MB ont signé un accord avec Barqa Contracting and Real Estate Investment Company pour la reconstruction de la vieille ville de Benghazi ; alors que la société Enav a décroché le contrat de construction d’une nouvelle tour de contrôle du trafic aérien à l’aéroport international de Mitiga. Enfin, la Libyan Post Telecommunications & Information (LPTIC) a signé un partenariat avec le fournisseur d’infrastructures télécoms Retelit Med concernant le développement d’infrastructures pour accélérer la transformation numérique du pays (lancement de la 5G, couverture nationale en fibre optique…). L’accord comporte également la fourniture d’une expertise stratégique, technologique et technique.

Le Royaume Uni

Acteur majeur en Libye avant la guerre civile de 2011, le Royaume-Uni recommence aujourd’hui à être présent en Afrique du Nord par le biais de trois sociétés pétrolières – Shell (anglo-néerlandaise), BP et Petrofac – entretenant des liens étroits avec le gouvernement britannique.

Petrofac joue un rôle clé dans l’exploitation des ressources pétrolières du pays. Elle a notamment remporté un contrat de 100 millions de dollars avec la Zallaf Libya Oil & Gas Exploration and Production Company pour l’exploitation du champ pétrolifère d’Erawin (sud-ouest), comprenant un réseau de pipelines ainsi que des infrastructures nécessaires au traitement du pétrole brut.

L’année 2021 signe également le retour de l’entreprise Shell dans le pays africain, qui a discuté avec la NOC de plusieurs axes de collaboration dans le secteur de l’énergie, notamment : le déploiement de nouvelles infrastructures pétrolières et gazières (Ain Al-Jerbi, bassins onshore Syrte et Ghadamès, bassin offshore de Cyrénaïque), le réaménagement d’anciens champs (bassin de Murzuq) mais également le développement d’un projet d’énergie solaire au sud du bassin de Syrte.

BP a fait son retour dans le pays après la signature d’un protocole d’accord entre la NOC et ENI pour reprendre l’exploration d’un champ pétrolifère, mais sous le pilotage de la société italienne qui lui a racheté ses licences.

Le GUN aspirait – déjà en 2021 – à un partenariat stratégique avec Londres reposant sur la sécurité, l’administration et la finance. L’objectif était d’obtenir le soutien du Royaume-Uni dans la création d’un groupe œuvrant pour la stabilité de la Libye qui regrouperait les différentes puissances étrangères présentes dans le pays, mais qui serait dirigé par cette dernière. C’est dans le cadre de cette stratégie qu’en octobre 2022, des politiques libyens et britanniques ont annoncé envisager des accords de coopération techniques militaire avec le gouvernement national libyen dans le cadre de « formation et d’échange d’expertise »[x].

Le Royaume-Uni, à l’image des autres puissances européennes, souhaite donc se positionner en tant que pacificateur de la crise libyenne. Cet objectif prend en compte de la même façon les intérêts économiques de Londres sur le territoire libyen concernant les énergies et le pétrole.

L’Allemagne

Les entreprises allemandes commencent à nouveau à exprimer leur désir de revenir sur le sol libyen et d’investir, particulièrement dans les secteurs gazier et pétrolier. Un forum économique, organisé par l’Union générale des chambres de commerce libyennes et le groupe allemand Luthardt[xi], s’est tenu à Tripoli, en présence de l’ambassadeur allemand Oliver Owcza, du nouveau ministre de l’Économie Mohamed Hwaiji, de la NOC ainsi que d’hommes d’affaires libyens.

Berlin jouit d’une position particulière face aux autres puissances européennes comme la France, le Royaume-Uni ou encore l’Italie, en raison de son passé nettement moins pesant avec la Libye. Ainsi, la Russie, ne pardonnant pas à la France et au Royaume-Uni d’avoir outrepassé leurs droits en 2011, positionne l’Allemagne comme un médiateur qui tente de représenter les intérêts communs européens. C’est dans ce contexte facilitateur que s’était tenue la « conférence de Berlin » en 2020, afin d’étendre l’accord de cessez-le-feu en Libye. Parallèlement, l’Allemagne joue sa carte d’intermédiaire « neutre », ce qui lui permet de favoriser sa récente politique africaine et ses intérêts.

Les pays du golfe arabo-persique

Les Émirats arabe unis, l’Arabie Saoudite et l’Égypte cherchent à contrer la recherche de leadership turc sur la Libye. Aidés par le Bahreïn, ils forment le « quatuor arabe » qui a notamment condamné l’opération de la Turquie en Libye (2020). L’objectif de cette alliance est double : d’abord sauvegarder le pouvoir de leurs régimes autoritaires sur leur territoire puis prendre le contrôle des révolutions dans les pays arabes en créant des « gouvernements autoritaires adaptés aux conditions du jour »[xii].

Par conséquent, l’ensemble des actions entreprises par la Turquie constituent – pour les pays du golfe Arabo-Persique – une forme d’ingérence, faisant du territoire libyen le terrain de la guerre d’influence entre la Turquie et le quatuor. Cette position, bien qu’étant la ligne directrice, demeure complexe à mettre en place du fait de l’interdépendance des parties prenantes.

C’est notamment le cas des Émirats arabes unis (EAU), qui soutenaient initialement le camp du maréchal Haftar, opposé au GUN, lui-même appuyé par la Turquie. Malgré tout, leurs moyens politiques et militaires ont manqué d’impact face à ceux de la Turquie. Sous la pression américaine, ils rebattent leurs cartes en 2021 en diminuant le nombre des vols vers l’Est libyen et en suspendant leur soutien logistique au maréchal Haftar. Ils affichent, aujourd’hui, leur soutien au GUN, reconnu par l’ONU. L’influence des Émirats sur le quatuor arabe reste cependant conséquente d’un point de vue économique, notamment grâce à leurs dépenses financières avancées qui leur permettent de peser dans l’exécution des activités des quatre pays contre la Turquie et dans d’autres crises régionales.

De son côté, l’action de l’Égypte a été dictée par un intérêt majeur : empêcher l’accession au pouvoir des Islamistes et la lutte contre le terrorisme en général. Dans cet objectif, Le Caire a tout d’abord soutenu politiquement et militairement l’Armée Nationale Libyenne dirigée par le maréchal Haftar, qu’il considérait comme « le meilleur rempart face au terrorisme ». L’échec de ce dernier à renverser le GUN en juin 2020, à la suite de l’intervention de la Turquie, a contraint l’Égypte à modifier sa politique. Désormais, l’Égypte cherche à atteindre son objectif anti-islamiste en se plaçant en tant que médiateur entre les différents protagonistes du conflit libyen. C’est dans ce contexte que des visites ont récemment eu lieu (septembre 2022) entre responsables politiques qataris et égyptiens pour discuter de la Libye. Le Qatar et l’Égypte, dont les relations sont tendues depuis 2013, ont en effet décidé « d’aménager un espace de relations bilatérales »[xiii] afin de faire évoluer les stratégies de leurs propres échiquiers politiques. De ce fait, l’Égypte compte donc sur le Qatar pour agir en tant que multiplicateur de force de sorte que les deux pays ressortent comme des négociateurs pragmatiques pour assurer la sécurité des pays, comme le fait l’Occident.

La question de la reconstruction économique

Après une dizaine d’années de conflit, le cessez-le-feu permanent signé en octobre 2020 permet au pays de se positionner dans une logique de reconstruction économique. Afin d’atteindre cet objectif, tous les moyens sont bons pour attirer les investisseurs étrangers et bénéficier de leur volonté de revenir sur le marché libyen, où tout est désormais à (re)faire. Cependant, le gouvernement utilise l’intérêt de puissances étrangères pour restructurer le marché intérieur et pallier certaines faiblesse (manque de main-d’œuvre qualifiée), ce qui rend opaque les réelles motivations des différentes parties prenantes dans le pays d’Afrique du Nord.

Une relance des secteurs minés par le contexte sociopolitique local a progressivement été mise en place, dans le cadre d’une législation bien spécifique – plus précisément depuis 2006[xiv] visant la valorisation et la montée en puissance des acteurs locaux :

  • L’ensemble des entreprises internationales souhaitant vendre des biens et des services au secteur pétrolier et gazier de Tripoli doivent désormais traiter directement avec la National Oil Corporation (NOC) et les autres compagnies pétrolières publiques du pays.
  • Les entreprises internationales souhaitant exploiter une succursale en Libye – dans de nombreux secteurs notamment le gaz et le pétrole – doivent former une coentreprise avec un partenaire local (« Loi 443 » – 65% pour la société étrangère et 35% minimum pour le partenaire local). Applicable pour tous les nouveaux clients, les titulaires doivent s’y soumettre pour tout nouveau contrat.

La « Loi sur l’Agence de 2004 » vient également renforcer le rôle des acteurs locaux en stipulant que toute société étrangère souhaitant vendre directement sur le marché libyen doit faire appel aux services d’un agent local. Cette législation impose à l’ensemble des acteurs internationaux en Libye d’opérer en collaboration avec la NOC, à travers des co-entreprises, pour accéder aux ressources pétrolières du pays :

  • Mellitah Oil & Gas, composée d’ENI (50 %) et de la NOC (50 %).
  • Waha Oil Company : la NOC (59,18 %), TotalEnergies (16,33 %), ConocoPhillips (16,33 %) et Hess (8,16 %).
  • Mabruk Oil Operations : TotalEnergies (49 %) et la NOC (51 %).
  • Harouge Oil Operations: Suncor Energy (49 %) et la NOC (51 %).
  • Akakus : Repsol (32 %) en partenariat avec OMV, TotalEnergies, Equinor et la NOC.
  • Zueitina Oil Company : OMV et la NOC.

La concurrence russo-turque

Pour la Turquie et la Russie, qui ne soutiennent pas les mêmes camps, la Libye cristallise des enjeux économiques et géostratégiques. La Turquie considère la Libye comme la porte d’entrée de l’Afrique et œuvre pour renforcer sa présence économique et son influence, notamment en raison de son intérêt pour le pétrole libyen.

La Russie, bien qu’elle soit l’un des premiers producteurs de pétrole, s’intéresse au développement du secteur énergétique libyen. Faisant partie de l’accord « OPEP + », limitant la production de pétrole et son exportation, elle souhaiterait profiter du pétrole libyen pour limiter les pertes générées par les restrictions de production de brut russe. Parallèlement, Moscou adopterait un regard critique sur le fait que la Libye devienne un concurrent énergétique capable de devenir une source alternative d’approvisionnement pour l’Europe. Pour empêcher cela, Moscou espère ainsi faire de la Libye un partenaire économique. En 2017, le groupe public russe Rosneft a signé un accord préliminaire avec la compagnie nationale libyenne.

De son côté, la Turquie envisage de participer à la création d’un gazoduc transsaharien reliant le Nigeria à la Libye dans le but d’approvisionner l’Europe en gaz naturel, ce que la Russie voit d’un mauvais œil. Si ce projet se met en œuvre, la Russie pourrait profiter de la présence de Wagner pour le déstabiliser. Rappelons que le groupe Wagner sécurise une grande partie des installations pétrolières, empêchant donc le gouvernement de Dbeibé d’accéder aux champs pétrolifères[xv].

Tout comme la Turquie, la Russie[xvi] considère la Libye comme une porte d’entrée vers l’Afrique subsaharienne. La position stratégique et les ressources naturelles de la Libye interpellent Moscou et occupent une place importante dans ses tentatives d’exploiter le chaos libyen.

Un recul de la présence française en Libye

Alors que la France était le troisième partenaire commercial de la Libye en 2010 avec 9,7 % des échanges, elle est désormais un partenaire commercial secondaire. En effet, elle n’occupe plus que la huitième place en 2020 avec 3 % des échanges réalisés avec la Libye. Pour la France, la Libye représente avant tout un partenaire énergétique important qui compte les plus grandes réserves de pétrole sur le continent africain.

Onze ans après l’intervention militaire franco-britannique, la Libye semble ne pas entretenir de ressentiment vis-à-vis de la France. Néanmoins, il est reproché aux entreprises françaises d’avoir quitté le territoire alors qu’elles étaient présentes au nombre d’une cinquantaine dans le pays. Depuis la chute de Kadhafi, celles-ci sont réticentes à revenir s’installer dans le pays au regard de l’insécurité qui y règne et préfèrent opérer depuis Tunis, s’appuyant sur des acteurs locaux pour les affaires libyennes. Seule la société Total est active dans le pays avec un siège à Tripoli. Total s’est engagé à soutenir la compagnie nationale libyenne dans son objectif de rétablir et d’augmenter la production de gaz et de pétrole du pays. Un engagement qui a été renforcé à la suite de la guerre en Ukraine, dans la mesure où la France espère trouver des approvisionnements alternatifs au gaz russe.

Total est encore l’un des acteurs centraux du secteur énergétique libyen. En effet, l’entreprise française détient 75% de participation dans le bloc d’Al Jurf, situé au large de Tripoli et 16,33% dans les concessions onshore de Waha. Elle possède également des parts de participation dans les blocs onshore d’El Sharara, situés dans le bassin de Murzuk. Toutefois, la production ainsi que les activités d’exploration sont à l’arrêt dans leur site de Mabruk, résultant de l’instabilité politique et sécuritaire.

Le 15 novembre 2022, Total a annoncé l’augmentation de sa participation dans les concessions de Waha par l’acquisition conjointe avec ConocoPhillips de la participation de 8,16 %[xvii] détenue par Hess. À la suite de cette acquisition, la participation de TotalEnergies est passée de 16,33 % à 20,41 %. Total étudie également le développement d’infrastructures en matière d’énergie renouvelables notamment avec des projets solaires dédiés à l’alimentation en électricité des sites de production de Waha. Afin d’accroître l’approvisionnement du pays en électricité renouvelable, l’entreprise française a finalisé la localisation et les conditions commerciales avec son partenaire Gecol afin de lancer un projet de ferme solaire de 500 MWc au sud de Misrata.

La Chine : un acteur mercantiliste

La Libye offre un cas intéressant de la stratégie chinoise en Afrique du Nord et de son évolution. Alors que Tripoli reconnaissait encore Taïwan jusqu’en 1978, les chiffres nous montrent aujourd’hui que Pékin est gagnant sur le plan commercial avec la Libye. La Chine communiste se place notamment en deuxième destination pour les exportations de gaz et de pétrole[xviii], juste après l’Italie, pourtant partenaire historique du pays africain.

Bien implantées dans le paysage libyen avant le Printemps Arabe, environ 75 entreprises chinoises (dont 13 appartiendraient à l’État) y possédaient des contrats pour plus de 20 milliards de dollars, notamment dans les infrastructures et le pétrole (CNPC, Sinopec, CNOOC). Elles employaient à l’époque 36 000 travailleurs chinois. Le déclenchement de la guerre civile libyenne a obligé une grande majorité d’entreprises chinoises à suspendre leurs activités et à quitter précipitamment le pays.

Cet épisode, peu commenté par le gouvernement chinois, a pourtant poussé la Chine à adopter une position de neutralité dans le conflit libyen, en soutenant officiellement le gouvernement reconnu par l’ONU, au nom du respect des principes de souveraineté et de non-ingérence. Sur le sol libyen, la Chine agit plutôt comme un acteur mercantiliste, non-idéologique et surtout pragmatique. À l’inverse de certaines autres puissances présentes (EAU, Turquie) et militairement engagées, elle se distingue et n’évoque jamais la question du respect des droits humains. Cette politique de non-ingérence dans les affaires internes des pays séduit de plus en plus dans les gouvernements d’Afrique du Nord, à la recherche d’investissements étrangers.

En juillet 2018, un protocole d’accord ouvrait la voie d’une intégration de la Libye dans la Belt and Road Initiative et signifiait le retour des entreprises chinoises dans le pays, permettant d’approfondir la coopération économique et diplomatique avec le continent africain. En échange, Tripoli a ouvert ses portes à davantage d’entreprises chinoises, avec un rebond important des exportations de pétrole libyen vers la Chine l’année suivante : 6,21 milliards de dollars[xix], soit une augmentation de 160,1 % en glissement annuel.

Pékin conserve également des canaux d’échange avec le maréchal Haftar, ménageant la possibilité de faire travailler la China National Petroleum Corporation (CNPC) et sa filiale PetroChina avec la National Oil Corporation (NOC) dans les zones contrôlées par l’ANL.

La neutralité politique affichée par la Chine lui permet aujourd’hui de porter une réflexion – par le biais de son ambassadeur à Tripoli (Wang Qimin) – avec les acteurs nationaux – notamment avec l’ancien président exécutif de la NOC (Mustafa Sanallah) – sur les moyens pour faire revenir les entreprises chinoises opérant dans les secteurs pétrolier, gazier et du bâtiment. Elle remporte de nombreux marchés en Libye, notamment dans la maintenance et modernisation des systèmes de transport du pétrole et des silos de stockage terrestre.

La Chine communiste est également présent en Libye sur le segment des nouvelles technologies, et plus particulièrement des télécommunications, à travers ZTE (Zhongxing Telecom) et Huawei. Ce dernier, géant mondial de réseaux télécoms, est d’ailleurs la seule entreprise à avoir maintenu des salariés non locaux sur le sol libyen durant le conflit de 2011. Elle est particulièrement présente dans le pays, ayant été sélectionnée pour lancer la première phase de mise en service d’Internet haut débit 4G. En plus des infrastructures nécessaires pour le développement des réseaux, elle fournit également un soutien technique important, créant ainsi une dépendance de la population libyenne à ses réseaux.

En outre, un accord aurait été signé en 2021 avec Huawei et le ministère libyen de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique pour la création de la Huawei ICT Academy. Visant à faire monter en compétences les étudiants dans le domaine du numérique, c’est également l’opportunité pour les Chinois de pénétrer avec plus de force le marché de l’enseignement et d’organiser une captation de ressources intellectuelles plus importante.

La Chine est également très entreprenante dans son appropriation des infrastructures stratégiques libyennes, comme c’est le cas dans la ville côtière de Tobrouk, où elle prépare un vaste programme[xx] de travaux de plus de 36 milliards de dollars, pour une durée de 20 ans[xxi].

La corruption étant particulièrement prégnante dans le fonctionnement des entreprises libyennes, serait utilisée par les acteurs chinois pour s’intégrer dans le paysage local. Ce mode de fonctionnement s’illustre souvent par le biais d’un renseignement économique exécuté en amont auprès de la partie ciblée, d’une politique de prix bas sur un projet donné et de la proposition systématique, à la société ou au gouvernement, d’un excédent. Les entreprises chinoises – participant aux schémas de corruption dès que cela leur permet d’augmenter leurs gains financiers – ont souvent été privilégiées au détriment d’autres entreprises occidentales dans les secteurs pétroliers ou encore des télécommunications.

Dans la quête libyenne d’expertise étrangère pour se reconstruire, la Chine se positionne comme un acteur majeur, par les moyens qu’elle a la capacité de mettre en œuvre mais également la reconnaissance que lui attribue le gouvernement libyen à la suite de son positionnement neutre.

Le renforcement de la présence des Émirats Arabes Unis 

Les Émirats arabes unis sont également un acteur économique très présent sur le sol libyen. En dix ans, les importations libyennes en provenance des EAU ont connu une augmentation conséquente, passant de 0,5 % en 2011 à 10 % en 2021. Ces importations ciblent particulièrement le secteur de l’énergie, épine dorsale de l’économie libyenne, par le biais de différentes stratégies de pénétration.

W Solar Investment[xxii], société d’investissement dans le secteur des énergies renouvelables, est notamment très active dans la signature de contrats en Libye et la mise en place de partenariats stratégiques sur le long terme avec la General Electricity Company of Libya (GECOL). Retenue récemment pour construire des centrales solaires photovoltaïques, elle possèdera et exploitera le projet pendant 25 ans à compter du début de la production.

Cependant, la pierre angulaire des Émirats arabes unis en Libye semble être le placement, en juillet 2022, d’un homme d’affaires proche d’Abu Dhabi à la tête de la NOC, qui gère l’ensemble des ressources pétrolières nationales. Réputé proche de Kadhafi, Farhat Bengdara a également été directeur de la banque Al Masraf, détenue par le gouvernement émirati. Sa nomination serait le résultat d’un accord secret[xxiii] entre le Premier ministre libyen et Khalifa Haftar, qui veut préserver la part du camp de l’est de la Libye dans la manne pétrolière. Si la NOC a été, de 2014 à 2022, propice aux entreprises européennes (ENI, Total), cette tendance pourrait s’inverser au profit des sociétés turques ou émiraties : les pots de vin et la corruption étant plus répandus qu’au sein des entreprises occidentales.

Cette nomination rappelle l’histoire de Shiekha Hend Al-Qassemi (ou « Lady Velvet »), issue de la famille royale émiratie, qui avait représenté la Libye au « CC Forum Investment in Sustainable Development »[xxiv] (2021) de Monaco en qualité de membre de la NOC et de la Corporation and Military Investment Authority. Mustafa Sanalla, à l’époque encore président de la NOC, avait dénoncé cette tromperie en accusant la branche parallèle à la NOC (fidèle au maréchal Haftar qui reçoit le soutien régulier des EAU), dans l’est de la Libye, d’avoir voulu satisfaire ses bailleurs de fonds émiratis en leur fournissant une marge de manœuvre considérable au sein de la NOC. De plus, la Corporation and Military Investment Authority, à laquelle semblait appartenir Shiekha Hend Al-Qassemi, existe uniquement dans l’est du pays et se révèle être gérée par le maréchal Haftar et ses fils. De quoi renforcer le doute sur une potentielle ingérence émiratie au sein de l’institution pétrolière souveraine libyenne.

Sources

Ahmad Oumar Al-Dabbashi, Conseil de sécurité des Nations Unies.

E. Bouvier, Nouvelle crise politique en Libye : Le pays risque-t-il de sombrer à nouveau dans la guerre civile ?

British Petrofac secured $100m contract Deal with Oil & Gas Company in Libya, Pipeline Technology Journal.

China counting financial losses in Libya, Global Times.  

Chinese companies strategic partners in Libya’s telecom sector .

Crise en Libye : L’Arabie saoudite cherche à rapprocher les positions des pays voisins, 30 juillet 2020, RFI.

Détail du registre—Gels des Avoirs, Direction Générale Du Trésor.

J. Durand de Sanctis, Bras de fer géopolitique entre la France et l’Italie en Libye, Middle East Eye édition française.

Agence Ecofin, Libye : Eni s’engage à renforcer le développement du gaz et des énergies renouvelables.

M. Edjo, La société LPTIC s’offre l’expertise stratégique et technologique de Retelit Med pour numériser la Libye. Agence Ecofin.

Libye—Déclaration conjointe des Emirats arabes unis, des Etats-Unis d’Amérique, de la France, de l’Italie et du Royaume-Uni, France Diplomatie – Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

C. Filoni, Fausses réparations et nouvelle colonisation italienne en Libye. CADTM, 9 décembre 2022.

C. Harbulot, La prédation économique.

Harchaoui, J. (2018). La Libye depuis 2015 : Entre morcellement et interférences. Politique étrangère, Hiver(4), 133‑145. https://doi.org/10.3917/pe.184.0133

Jopp, M. (2011). L’Allemagne, la Libye et l’Union européenne (A.-C. Cornet, Trad.). Politique étrangère, Eté(2), 417‑428. https://doi.org/10.3917/pe.112.0417

M. Krpata, Libye : Quand la diplomatie allemande s’affirme en puissance médiatrice.

La Libye et le Royaume-Uni discutent de la coopération technique militaire.

L’Arabie saoudite en quête d’une convergence de vues sur la Libye.  

Libya : Rich in oil, leaking fuel, Chatham House – International Affairs Think Tank, 9 octobre 2019.

Libye. De nouveaux éléments prouvent que les personnes réfugiées ou migrantes sont prises au piège dans un terrifiant cycle de violences, Amnesty International, 24 septembre 2020.

H. Mourad, Égypte : Affaiblir les islamistes en Libye. Confluences Méditerranée, 65‑76, 2021.

N. Salian, Abu Dhabi’s W Solar to invest in Libya’s renewable energy sector.

Sanallah discusses return of Chinese energy companies,The Libya Observer.

M. Souilah, Khalifa Haftar : Économie de guerre et militarisation du jeu politique, Confluences Méditerranée, 2021.

S. Zaptia, China’s Huawei and Ministry of Higher Education sign cooperation agreement for ICT academy, LibyaHerald, 2021.

S. Zaptia, Libya and Shell discuss several areas of cooperation, LibyaHerald, 2021.

NOC condemns renewed blockade of Libyan oil exports.

Notes


[i] La Libye est un pays d’Afrique du Nord, ayant pour capitale Tripoli, qui est bordé par la mer de Libye (mer Méditerranée), la Tunisie, l’Algérie, le Niger, le Tchad, le Soudan, et l’Égypte.

Sa population de huit millions d’habitants est majoritairement issue de la culture arabe sunnite et se concentre principalement sur les côtes, en raison de la nature désertique du reste du pays. Le territoire libyen est réputé pour ses sous-sols riches en hydrocarbures.

[ii] Les contrats de nature militaire représentaient déjà près de 20 milliards de dollars sous l’époque de Kadhafi.

[iii] La Turquie s’engage à entretenir et réparer les avions de chasse de Tripoli et continuer à octroyer des formations et de l’entraînement à l’armée libyenne du camp de l’ouest. Il est aussi question dans cet accord de former des aviateurs libyens sur différents types d’avions ainsi que de fournir du matériel et des appareils militaires modernes.

[iv] Il convient de rappeler que le groupe Wagner effectue les basses œuvres du Kremlin depuis sa création dans le Donbass ukrainien lors de l’invasion de 2014. La SMP est en effet dirigée par un proche de Poutine, Evgueni Prigogine.

[v] Ce champ pétrolier est détenu à 50 % par la NOC, à 20 % par Repsol, à 15 % par OMV Petrom et à 15 % par Total.

[vi] ENI est principalement présent sur des plateformes pétrolières offshores, alors que Total exploite principalement des champs pétroliers à terre. Une répartition géographique qui peut être mise en perspective avec le contrôle territorial libyen du GUN et de l’ANL. Le pétrole offshore se trouvant surtout au large des environs de Tripoli, quand les champs pétroliers à terre sont contrôlés par l’ANL.

[vii] À l’instar de Paris, Rome a constaté le déclin de son influence dans la région à la suite de l’intervention turque en 2019. Directement concernée par les flux migratoires en provenance de la Libye (accords de 2017 renouvelés en 2020), l’Italie a également un intérêt particulier à favoriser la stabilité du pays.

[viii] Le « Traité d’amitié, partenariat et coopération » de 2008, signé avec le gouvernement de Kadhafi, a été renouvelé en avril 2022 lors d’une rencontre entre le vice-Premier ministre du nouveau gouvernement libyen, Ali al-Qatrani, et le consul italien à Benghazi, Carlo Batori, il entend favoriser les investissements des entreprises italiennes en Libye.

[ix] ENI a mis une place une stratégie offensive à l’encontre de ses concurrents sur le marché – officialisant le rachat de 50 % des parts de l’entreprise BP dans une licence pétrolière et gazière couvrant deux zones terrestres sur le bassin de Ghadamès (Ouest) et un offshore au large de Syrte (centre).  ENI utilise également le gaz comme levier pour s’imposer face à ses concurrents, moins actifs dans ce secteur, comme l’illustre sa participation dans un projet à grande échelle près du complexe de Metillah, comprenant : l’installation de deux nouvelles plateformes offshores fixes et d’une gamme de gazoducs sous-marins pour acheminer le gaz vers une installation de traitement terrestre.

[x] J. Cleverly, « La Libye aspire à un partenariat stratégique avec le Royaume-Uni ».

[xi] Björn Luthardt, dirigeant du groupe éponyme allemand avec son frère Sven, a mis au service des géants de l’industrie allemande sa bonne connaissance du marché libyen, leur permettant ainsi d’envisager des stratégies de pénétration économique du pays africain.

[xii] İ. Akdoğan, « La politique libyenne de l’Arabie Saoudite, et le contexte de l’opposition à la Turquie ».

[xiii] A. Krieg, « Crise libyenne : Le Qatar et l’Égypte sont-ils en train de préparer un accord ? », Middle East Eye, édition française.

[xiv] « Tripoli changes the rules», MEED.

[xv] En juillet 2020, la Libyan National Oil Corporation a annoncé que les forces de Wagner contrôlaient effectivement la production du champ pétrolifère de Sharara dans le sud-ouest de la Libye, le plus grand du pays, avec une capacité de 300 000 barils par jour. La NOC est la seule compagnie habilitée à conclure des accords avec des entreprises étrangères. La préservation des liens avec le GUN est ainsi essentielle pour la Russie.

[xvi] Igor Delanoë, Nour Hedjazi, « La Libye : une crise à la croisée des ambitions globale et régionale de la Russie », in Libye, Géopolitique d’un chaos, troisième trimestre 2021.

[xvii] Libye : TotalEnergies augmente sa participation dans les concessions de Waha.

[xviii] Selon les données de l’Observatoire de la complexité économique (OCE), les exportations libyennes vers la Chine ont augmenté de 547 % en 2019 (majoritairement du pétrole).

[xix] F. Alkoutami, S. Alkoutami, China’s Balancing Act in Libya. Carnegie Endowment for International Peace. novembre 2022.

[xx] Ce projet comporte notamment la création d’un aéroport, la réalisation d’un chemin de fer le long de la frontière égyptienne jusqu’au Soudan, la construction de 10 000 maisons, d’un hôpital de 300 lits et d’une université.

[xxi] Chinese consortium to invest $36bn in Libyan infrastructure bonanza, Global Construction Review, 26 octobre 2016.

[xxii] W Solar Investment est une joint-venture d’Alpha Dhabi Holding, un conglomérat coté aux Émirats arabes unis créé en 2013 qui est l’une des sociétés de portefeuille d’investissement à Abu Dhabi connaissant une croissance conséquente. Elle possède plus d’une centaine d’entreprises réparties dans les secteurs de la santé, des énergies renouvelables, de la pétrochimie, de l’immobilier, de la construction et de l’hôtellerie.

[xxiii] Libye : Qui est Farhat Bengdara, nouveau caïd de l’or noir libyen ?  Jeune Afrique.

[xxiv] A. Assad, How an Emirati royal became a board member at Libya’s state oil company. Libya Al-Ahraar, 24 juillet 2021.