Les espaces informationnels autonomes

par Christian Harbulot

Statue, Paysan, Colère, Fourche, Révolte

La création d’Internet a révolutionné la dimension offensive de la guerre de l’information. Cette évidence n’a pas pour l’instant généré de réflexion poussée sur la manière dont évolue le cadre conflictuel du fort et du faible. Au niveau mondial, l’Ecole de Guerre Economique est une des très rares structures qui étudient ce type de problématique.

Les institutions et le milieu de la recherche académique se focalisent généralement sur le jeu informationnel des acteurs et les moyens mis en oeuvre par les différentes parties prenantes. Le fort cherche à découvrir comment le faible va l’attaquer. La priorité sera donc donné à l’identification des personnes qui agissent contre ses intérêts.

L’analyse des méthodes mises en oeuvre par le faible est le plus souvent centrée sur sa capacité à s’exprimer par le biais des réseaux sociaux.

La prise en compte des bilans tirés des expériences subversives successives est rarissime. La culture de l’instant prédomine. Cette carence explique le retard que les démocraties européennes accumule dans leur approche opérationnelle de la guerre de l’information par le contenu, que ce soit face à l’entrisme sociétal islamiste ou à nouvelle forme de prolifération de pratiques radicales.

La connaissance de l’autre implique un suivi beaucoup plus approfondi dans la durée ainsi que dans l’approche sociologique du terrain informationnel proprement dit. Jadis, la priorité était de se faire entendre du plus grand nombre. Désormais, il s’agit surtout d’occuper le terrain choisi pour exister et de le tenir le plus efficacement possible.

La notion d’espace informationnel autonome sur laquelle je travaille depuis plusieurs années résulte d’une réflexion qui est née dans les années 70 lorsque une partie de l’extrême gauche italienne a décidé de focaliser ses actions dans des logiques de contre-pouvoirs, en opposition à la ligne défendue par les Brigades Rouges italiennes qui cherchaient à affronter l’Etat au cœur de son dispositif.

L’abandon de l’objectif de la prise du pouvoir a réorienté toute une partie de la démarche subversive vers d’autres formes de guerre de l’information par le contenu. Leur efficacité relève avant tout de la limitation de leurs ambitions et la capacité parasitaire à se jouer des inerties des systèmes en place.