Pourquoi l’UE a-t-elle décidé de garder les fonctionnaires européens britannique après le Brexit ?

Londres, Westminster, Pont, Bâtiment, Antique, Vieux

Par Nicolas Ravailhe

Après le Brexit, les fonctionnaires européens britanniques restent fonctionnaires européens. Et cela même s’ils n’ont pas acquis la nationalité d’un Etat membre – 27 de l’UE (cf. le lien PDF ci-dessous, point 9.3).

C’est une décision qui viole le statut de la fonction publique européenne (fonctionnaires et agents temporaires et contractuels) et « cerise sur le gâteau » :  ils sont bien payés par nos impôts avec des calculs compliqués pour les retraités actuels. Donc, ces fonctionnaires ne devraient pas occuper de postes sensibles, ni recevoir de promotion. C’est évidemment attaqué car c’est une discrimination interdite par le droit de l’UE. Ils conserveraient également des avantages financiers liés à l’expatriation que n’ont pas d’autres fonctionnaires.

Pour les garder : l’argument évoqué est que l’UE ne peut pas se priver de talents et de collègues qui ne voulaient pas le Brexit : foutaise et mensonges ! Cela sert des intérêts. L’enjeu principal du Brexit n’est pas la relation UK – UE mais les rapports de force intra UE notamment dans la manière d’organiser la relation UK – UE. La pêche est emblématique comme sujet important et négligeable en valeur absolue.

Les Britanniques ne sont pas la plus grande menace…Leur loyauté n’est pas forcément en cause mais il existe un conflit d’intérêt. Le problème n’est pas de vilipender la Grande Bretagne mais de s’intéresser aux rapports intra-européens qui ont conduit à cette décision. Pourquoi, pour quel usage et au profit de qui ?

L’aveuglement sur le statut des fonctionnaires européens britanniques

Avantage pour eux, sécuriser leur maintien dans l’UE, garder des postes sensibles et les promotions . Toutefois, cette situation ne respecte pas davantage les dispositions statutaires. En effet, pour être fonctionnaire ou agent de l’UE, il faut avoir la nationalité d’un des Etats membres. Les concours ou la sélection sont organisés par régime linguistique. Ex. Une Hongroise ayant grandi en France ou en Algérie (cas réel) peut être reçue à un concours ouvert pour les citoyens ayant opté la langue française « forte » dans le concours.  Mais son recrutement se fera sur sa nationalité : hongroise. Donc si elle perd cette nationalité ou si son pays quitte l’UE, elle perd la qualité / condition nécessaire lors de son recrutement. La nationalité européenne n’existe pas (la citoyenneté oui, c’est dissocié). Donc le fait d’acquérir ensuite une nationalité d’un autre Etat membre est sans incidence, c’est sans lien avec l’acte juridique, le fait générateur du recrutement. 

Considérer que l’on peut acquérir une nouvelle nationalité et garder les conditions du recrutement (une autre nationalité), le cas de nombreux Britanniques, me semble être une application erronée des textes. En d’autres termes, les fonctionnaires britanniques dans ce cas d’espèce devraient être radiés de la fonction publique européenne ayant perdu une des conditions essentielle de leur recrutement.

L’éternel bricolage européen

En dépit des apparences, cette situation de maintien des Britanniques sous un autre nationalité d’un Etat membre de l’UE est bien plus choquante que la précédente (ils restent avec la nationalité britannique – et c’est promis : rassurez-vous, on en recrutera plus).

Il n’y a pas de quotas de stricto sensu de recrutement entre nationalités. Les concours sont linguistiques à la condition d’une des nationalités de l’UE. Néanmoins, l’UE applique des proportions entre Etats pour éviter de trop grand déséquilibres. On peut même être reçu-collé dans un concours, avoir eu un très bon résultat et ne pas être recruté : cas réel d’une amie française qui a été écartée car il y avait trop de Français au profit d’un Allemand dont la nationalité était sous représentée.

Bilan, les Britanniques qui deviennent Irlandais, Belges ou Français, principaux cas … vont plomber les recrutements dans ces nationalités, surtout s’ils sont « étiquetés » belges francophones … ce qui sera le cas, je ne crois pas qu’un seul d’entre eux maîtrise suffisamment le néerlandais ! 

C’est très injuste pour des jeunes Français, Belges ou Irlandais dont ils vont prendre la place et idem pour les promotions et les postes sensibles … Bref, il eut mieux valu que les Britanniques restent britanniques (ce qu’ils sont toujours !) plutôt que de faire croire qu’ils sont autres …

Idem aussi pour les témoignages de mélancolie des fonctionnaires européens britanniques cités dans cet article. C’est potentiellement vrai et aussi une jolie technique d’influence. Pour obtenir des renseignements et des fonctions intéressantes : se faire passer pour des victimes et l’empathie exprimée vers nous n’est pas la moindre des armes utiles ! un classique pourtant et j’enseigne tout cela.

Tout cela doit être compris en regardant la stratégie et l’organisation britannique dans l’UE depuis des années. 

Tel est le véritable enjeu du maintien des Britanniques. En l’espèce, l’organisation britanniques dans l’UE est très méticuleuse. Des « contacts points » ont été établis dans chaque ministère de l’UE, les directions générales … « activables » depuis leur ambassade UK REP. 

Des experts nationaux détachés (fonctionnaires des Etats en poste dans l’UE) étaient utilisés avec des plans d’influence à 15 ans … avec des logiques de réseaux tissés. Des Européens non britanniques sont recrutés pour mieux comprendre et influer (ex. un copain -finlandais à travailler par eux, un autre Français, proche de Barnier a été recruté aussi)). 

Les postes clefs sont contrôlés. 

Autre anecdote très importante et parlante : l’évolution / les promotions du management des fonctionnaires de l’UE (notamment le plus important : l’intermédiaire / les chefs d’unité) est sous-traitée en millions d’euros par la Commission européenne a un boite de RH externe … britannique. Ils savent donc tout des nôtres et pèsent lourdement sur leur avenir professionnel comme l’organisation des services de la Commission. Un coup de maitre !

Les députés britanniques étaient « convoqués » régulièrement et il leur était demandé – certes poliment à Londres – ce qu’ils avaient fait pour la « Couronne »… Imaginez une scène identique en France. La France renonce à ce type d’approche : motif évoqué « pour éviter d’être mal vu » … la réalité est bien pire entre trahison, lâcheté, désorganisation, formation inadaptée, flagornerie, suffisance d’élites.

Lien utile : https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/10061/2018/FR/PV-2018-2249-F1-FR-MAIN-PART-1.PDF