Le protectionnisme sud-coréen

L’exception culturelle sud-coréenne en matière de guerre économique

La Corée du Sud a cette particularité d’être le seul Etat du XXè siècle à avoir eu une posture très claire dans le domaine de la guerre économique. Les témoignages recueillis après de Français à différentes périodes attestent de la continuité de cette doctrine officieuse.

M. Gazeau ancien directeur du Plan d’Air Liquide fut l’un des premiers à nous éclairer sur les us et coutumes dans ce pays. Le fait de se faire infliger une amende par un policier dans la rue pour avoir fumé une cigarette étrangère. Il en était de même pour les petits patrons qui achetaient une camionnette étrangère et qui subissaient ensuite un contrôle fiscal. Dans les années 2000, un reportage diffusé dans l’émission Envoyé spécial montrait clairement que des officiels sud-coréens revendiquaient une culture de guerre économique. Plus récemment, un étudiant de l’Ecole de Guerre Economique nous confiait que, lors de son séjour de six mois dans une université sud-coréenne, il avait été convié à assister à une réunion organisée pour les étudiants étrangers. Il leur fut alors précisé par le représentant de l’université que la Corée du Sud était en guerre économique et qu’il fallait qu’ils tiennent compte de cette particularité.

Ces anecdotes illustrent en fait une situation qui résulte de la guerre de Corée.

A la sortie provisoire du conflit, le régime installé à Séoul est très défavorisé par rapport à son ennemi du Nord. Lors de l’occupation japonaise, les usines qu’il avait installées en Corée étaient situées dans le Nord du pays. Pour compenser ce décalage en termes d’infrastructure, la Corée du Sud décida de structurer son mode de développement dans une démarche de guerre économique pour ne pas être en situation d’infériorité et subir à terme la domination de son voisin communiste.

La construction de l’économie sud-coréenne a été réalisée en soutien à l’émergence d’une puissance politico-militaire capable de faire face au risque de conflit que représente la Corée du Nord. La première phase a été la mise en place d’un système éducatif très contraignant. L’objectif était de former les futures générations de cadres des conglomérats industriels.

Le développement des infrastructures sud-coréennes a été conçu pour répondre aux besoins accessibles du marché mondial. Le fait que les Etats-Unis aient facilité l’accès à leur marché intérieur pour des raisons d’alliance géopolitique a facilité les choses.

La Corée du Sud a cherché à acquérir des positions dominantes là où c’était possible, comme ce fut le cas dans la construction navale est un bon exemple d’une approche « à la japonaise ». A ce propos, a Corée du Sud s’est inspirée de la manière dont le Japon a procédé pour édifier une économie compétitive. Aujourd’hui, certains milieux économiques japonais se plaignent des transferts de technologie que les résidents sud-coréens effectuent de manière massive vers leur pays d’origine.

Mais le patriotisme sud-coréen a ses limites. Séoul est encore très dépendant de l’aide militaire américaine. L’industrie de défense sud-coréenne a certes progressé depuis plusieurs décennies et est devenue performante dans certains matériels mais elle ne peut assurer à elle-seule l’avenir de la souveraineté militaire de la Corée du Sud. La présence de bases américaines dans la zone est aussi un élément indispensable pour la sécurité de ce pays tant que les problèmes avec la Corée du Nord n’auront pas été réglés. En conséquence, le régime doit accepter la manière dont les Etats-Unis conservent un contrôle indirect sur l’expansion de l’économie coréenne. La crise des Chaebols, ces conglomérats industriels accusés de pratiquer la corruption, en est une illustration dans la mesure où sa résonance médiatique internationale n’est pas seulement le fruit de luttes internes qui affectent la vie politique et économique de ce pays.

Un travail récent mené à l’EGE sur la question des moyens de sécurisation bancaire démontre aussi que la Corée du Sud est encore très dépendante des Etats-Unis par rapport aux enjeux cachés de la transmission des données.


Lire à ce propos l’étude menée par Joseph PESME, Bénédicte DAVID, Cassandra TIKOUZOU et Mayeul JARRIAND, élèves de la SIE 22 de L’Ecole de Guerre Economique.